The Creole Choir Of Cuba "Tande-La"

Avec leurs chants créoles, les dix Cubains d'origine haïtienne du Creole Choir Of Cuba, chorale fondée en 1994 dans le sud de l'ile, nous racontent les histoires de leurs ancêtres, amenés de force à Cuba pour travailler dans les plantations de sucre et de café. En canon ou en solo, ce chœur peu ordinaire reprend le répertoire de leurs aïeux avec une énergie incandescente. Connus à Cuba sous le nom de Desandann (descendants), ces hommes et ces femmes scandent un créole proche de celui d'Haïti d'où quelques réminiscences pour nos oreilles. La chorale menée par Emilia Diaz Chavez s'impose à nous par ses riches harmonies, ses rythmes créoles et ses chants passionnés qui célèbrent ses racines. Les polyphonies complexes du chœur ainsi que ses prestations scéniques ont été acclamées par le public et la presse partout où il s'est produit, alors si leurs chants résonnent en vous ne les ratez pas.

The Creole Choir Of Cuba - Tande-La - Real World - 2011

Seun Kuti « From Africa with Fury : Rise »

Avec "Many things" en 2008, Seun Kuti démontrait qu'une des grandes concurrences à Femi en matière d'afrobeat s'opérait au sein du cocon familial. 3 ans après ce coup d'essai plus que convaincant, le voici de retour à la tête de l'ancien groupe de feu Fela qui peut reposer en paix, sa succession assure et s'accomplit avec brio. Une seule écoute de l'album suffit à prendre toute la mesure de l'efficacité de "From Africa with Fury : Rise", d'ailleurs à mon avis ce disque risque d'avoir du mal à trouver de réels challengers cette année en matière d'afrobeat. Accompagné par John Reynolds et Brian Eno à la production, Seun Kuti enregistre cet album à Rio de Janeiro. Le coup de maitre du trio est d'avoir injecter à l'album une véritable puissance sans se détacher de l'essence traditionnelle du mouvement. La musique de Seun Kuti reste contestataire mais l'impact est différent car contrairement à "Many things", un vent "funky" souffle tout au long du disque mis à part sur le superbe et mélancolique "Rise". Alors il suffit de se laisser cueillir par les rythmiques et le groove impeccables, les chorus de sax épatants, les riffs parfaits et la voix imposante de Seun Kuti. Le fils cadet de Fela s'impose définitivement comme l'un des grands artisans de l'afrobeat et n'a pas à rougir de la comparaison avec le paternel, ce qui n'était pas forcément évident. Chapeau.

Seun Anikulapo Kuti & Egypt 80 - From Africa with Fury : Rise - Knitting Factory Records - 2011

Afro Latin Vintage Orchestra "Ayodegi"

Cette formation de 10 musiciens issus de la scène parisienne a su s'enrichir de ses multiples rencontres et influences. Avec "Ayodegi" leur nouvel opus, on plonge dans le jazz-funk des années 70 où l'esprit du Black President est omniprésent, mais ce sont toutefois les percussions latines qui mènent le bal, avec comme sur leur 1er album, le trompettiste et slameur de génie Prosper Nya pour mettre le feu. Se déverse dans ce rare groove afro antillais : congas, cloches, funk, berimbau, rap, jazz, cuivres, gwo-ka, flutes, pour accoucher d'une musique libre, spontanée et détonante qui, à coup sûr, donnera des sueurs à toutes et tous les chanceux(ses) qui auront le bonheur de croiser leur route.

Afro Latin Vintage Orchestra - Ayodegi - 2011 -  Underdog Records


True Live "Found Lost"

True Live est un combo hip-hop australien originaire de Melbourne, mené par le front-man Rhyno, épatant MC solidement épaulé par un quintet incluant un violon, un violoncelle et une contrebasse. Vous l'aurez compris, on est plus près ici de l'univers soul-jazz cher aux Roots, Q-Tip ou encore Roots Manuva, que du Gangsta US. Et c'est encore Sakifo, le label réunionnais qui nous avait déjà déniché les excellents Tumi & the Volume, qui remet le couvert avec ce "Found Lost". Un album aux productions léchées, aux rythmiques imparables et aux grooves inspirés, comme une évidence de toujours. Si le tout peut sembler conventionnel aux travers de leurs influences Nu-Soul, True Live revisite le genre avec une fraicheur et une énergie qui font de cet opus une vraie bonne surprise, a découvrir en live urgemment.

True Live - Found Lost - 2011 - Sakifo 


Arat Kilo « A night in Abyssinia »

La musique éthiopienne est longtemps restée méconnue par les Fèrendj (les non-Éthiopiens) jusqu'à ce que Francis Falceto la révèle avec sa superbe collection éthiopiques. Mulatu Astatqe (grâce au succès-surprise de la B.O. de Broken Flowers, le film de Jim Jarmush sorti en 2005) et Mahmoud Ahmed en sont devenus ses représentant les plus emblématiques. Et phénomène impensable il y a encore quelques années, de nombreuses bandes ont fleuri ici ou là sur le terreau de ce genre. Des musiciens issus du breizh ont formés le Badume's Band, des Suisses, l'Imperial Tiger Orchestra alors qu'à Toulouse c'est le Tigre des Platanes qu'on entend rugir. Arat Kilo, quand-à lui, est constitué de musiciens parisiens. Et même s'ils reprennent quelques compositions des années dorées du genre comme « Aykedashel lebé », il se distingue surtout par la manière dont il se l'approprie, balançant un peu de hip-hop (l'ensorcelant « Babur Part. 1 »), un peu plus encore de dub (l'excellent « Ewnètègna Feqer »), mais aussi beaucoup de jazz,  avec l'influence de Miles Davis notamment (« Babur Part. 2 »). Et preuve du respect que génère la musique du quintet, Mulatu Astatqé et son vibraphone sur  « Dewel », Rokia Traoré sur « Get a chew » (une ballade magique interprétée en bambara) et enfin le canadien Socalled qui sort de son répertoire habituel klezmer, sont venus leur prêter main-forte.

Arat Kilo - A night in Abyssinia - 2011 -Atea Production

Lavillenie toujours plus haut

Tout le monde connaît désormais Renaud Lavillenie, champion d'Europe de saut à la perche et nouveau recordman de France avec un saut à 6.03m. Le parcours du Charentais n'est pourtant pas si simple. Alors qu'il est destiné à devenir ferronnier comme tous les Lavillenie de père en fils, il se tourne dès son plus jeune âge vers la perche, en s'inspirant de son père perchiste amateur. Ainsi pour imiter son paternel, il se fabrique des perches avec un manche à balai pour passer par dessus des murets. Mais ensuite il se tourne vers la voltige équestre, ses résultats à la perche étant décevants pendant son adolescence : 4,70m alors que le record du monde jeune était à 5.50m. Puis le déclic, à 20ans, il reprend ses perches, et plus rien ne l'arrête, et certainement pas la barre mythique des 6m. Certes, la perche française a toujours connu de brillants athlètes (Thierry Vigneron, Jean Galfione, Romain Mesnil), mais rarement aussi impressionnants que Lavillenie, car à la différence de ces perchistes bodybuildés, Lavillenie est plutôt fin et petit (1,77m pour 69kg). Moins en force qu'en technique, il passe les barres avec une énorme facilité, comme une puce qui sauterait de chiens en chiens. Désormais Renaud a un objectif, les 6,15m du grand maître de la discipline Sergei Bubka, qui lui a d'ailleurs remis sa médaille d'or lors du championnat d'Europe indoor à Paris, comme un passage de témoin... kenavo

"True Grit" Ethan Coen, Joel Coen

Au milieu des années 90, j'avais pris connaissance dans le magazine Première d'un projet qu'avaient les frères Coen de réaliser un Western. Il y avait même la description de la première scène qui voyait un vieux cow-boy sous un perron jouer un morceau de guitare. La chanson terminée, son cheval s'effondrait sur le sable, mort. Un projet qui devait permettre à Clint Eastwood de rechausser ses "tiags" après son formidable et crépusculaire Impitoyable.
Quand j'ai vu l'affiche de True Grit j'ai cru un instant qu'il s'agissait de cet hypothétique film. Que Nenni! True Grit ( le vrai cran ou encore force de caractère), même s'il s'agit bel et bien d'un Western est surtout une réadaptation d'une nouvelle de Charles Portis, déjà portée à l'écran par Henry Hathaway en 1969, sortie sous le titre français de 100 dollars pour un Shérif. Il est question ici pour les 2 cinéastes, de rendre hommage à un genre, une époque, a l'histoire du cinéma américain, comme ils l'avaient fait pour le film noir avec leur version de Lady Killer.
C'est là ou une légère déception s'opère. Le film ne manque pas d'originalité et les 2 frères ont toujours du talent à revendre que ce soit dans la mise en scène, ou les dialogues. Les acteurs , Jeff Bridges, Matt Damon (encore lui!) et la jeune Hailee Steinfeld qui forment l'improbable trio de ce film sont exceptionnels. Il en va de même pour les seconds rôles comme Barry Pepper et Josh Brolin pour ne citer qu'eux.
L'ensemble est étonnamment très classique, d'où ma petite déception. J'attendais plus d'excentricité, de décalage. Peut-être trop. L'intention de départ est semble t'il ici, plus de s'atteler à un exercice de style avec figures imposées que d'y semer le trouble. A mon sens le film peine un peu au début jusqu'à cette merveilleuse scène où la jeune Mattie brave le courant de la rivière avec son canasson afin de rejoindre sur l'autre rive ses deux compères. Là, il se passe quelque chose. Pour employer une expression de sportif qui n'a rien à voir avec le sujet, le film "monte en puissance". La fin est d'ailleurs très belle. Pour conclure, les frères Coen remplissent le contrat qui certes rend hommage de belle façon au genre mais nous laisse malgré tout dans l'attente de leur prochain...

Igor Boxx « Breslau »

Igor Pudio est l'un des membres du duo polonais Skalpel, responsable de deux albums de référence dans les années 2000 chez Ninja Tune (« Skalpel » en 2004 et « Konfusion » en 2005). Cette fois c'est en solo et sous le pseudonyme d'Igor Boxx qu'il nous offre, toujours chez Ninja Tune, un album qui exprime sa relation personnelle avec Breslau, sa ville d'origine. Une ville dans laquelle il semble impossible de vivre uniquement dans le présent. Une ville meurtrie par son siège de près de 3 mois en 1945  qui opposa l’Armée rouge à la Wehrmacht, se terminant par une victoire soviétique et la reddition allemande.
Le hip-hop instrumental, jazzy et bruitiste du DJ polonais est une grande réussite sonore à l'image des morceaux aux titres évocateurs « Fear Of A Red Planet » ou encore « Downfall ». Les ambiances de « Breslau », parfois oppressantes, nous plongent littéralement dans cette ville et sa sombre Histoire. C'est ainsi que l'écoute de cet album tourne en une véritable expérience musicale, qui s'avère aussi éprouvante que captivante.

Igor Boxx - Breslau - 2010 - Ninja Tune

Paris Suit Yourself « My Main Shitstain »

Quand trois frenchys d'origine bordelaise rencontrent un batteur américain nommé Joe Bombastik à Berlin, ça donne Paris Suit Yourself dont les initiales forment PSY (comme psychotrope!?). Leur premier album est un véritable fourre-tout musical, parfois étrange voir inquiétant mais aussi subjuguant, et profondément attachant.
Les nappes de clavier de Victor Tricard, souvent d'inspiration new-wave, sont mariées à sa guitare  étonnamment métal comme tirée d'une autre époque. On se demande même parfois à quel degré il faut prendre les soli détonnant du guitariste. La basse de Marie Boye quant-à elle arrondie les angles et au chant, Luvinsky Atche alterne l'anglais et le français comme sur « Brainwashed », titre qui nous ramène aux grandes heures du punk nihiliste (« La pensée unique règne en maitre et pour la servir nous votons pour des traitres, combien de muselières auront raison de nos idées lumières. »). Le chanteur semble parfois complètement fou comme sur « Surprise » où il donne l'impression de sortir d'un asile psychiatrique après une surdose de psylos.
Un album dans un style inhabituel pour Big Dada, et 45 minutes de musique inqualifiable, piochant aussi bien dans le rock que dans la disco, le dub, la pop, l'électro, le métal, le gothique et bien plus encore.

Paris Suit Yourself - My Main Shitstain - 2011 - Big Dada

Rita Indiana y Los Misterios "El Juido"

Rita Indiana y Los Misterios nous viennent de la République Dominicaine. Écrivain avec deux romans à la clef, scénariste sur le projet de film mené par le duo Calle 13, et enfin chanteuse, Rita Indiana nous livre un 1er album débordant de tropicalisme où le rock, le hip-hop, la cumbia, le boogaloo rencontrent l'électro merengue, genre musical local. Rencontre percussive, festive en un mot jouissive. Accompagnée du groupe Los Misterios, Rita Indiana au charisme androgyne défend le projet latino le plus créatif du moment. Et avec "El Juidero" la señora entre dans le club des grands agitateurs des fêtes panaméricaines, et par la grande porte s' il vous plait.

Rita Indiana y Los Misterios - El Juido - 2011 


Sofrito - Tropical Discothèque

Le DJ anglais Hugo Mendez est un magicien et avec sa compilation "Sofrito : Tropical Discothèque", il nous balade d'Amérique Centrale en Afrique Noire en passant par les Caraïbes. Au travers d'une collection de pépites datées d'hier et d'aujourd'hui, cette sélection du collectif organisateur des soirées du même nom, fait monter dangereusement la température du dancefloor. Sofrito a su combiner le sérieux du chasseur de vinyles au savoir faire de l'organisateur de soirées faisant gronder les dancefloors au son de grooves vintages. Et si vos hanches s'emballent c'est signe de bonne santé. Merci au label Strut.

Sofrito - Tropical Discothèque - 2011 - Strut Records

Minimix par Hugo Mendez :

Aurelio Martinez « Laru Beya »

La musique d'Aurelio Martinez est d'une douce légèreté et  « Laru Beya », dans la lignée de « Garifuna Soul », son 1er album publié en 2004, est toujours basé sur la musique Garifuna. Il contient des titres imparables comme « Yange », « Wamada », ou encore « Ererba » et fonctionne sur toute sa durée, malgré une production très "propre" et son manque d'aspérité, qui risque de décevoir les amateurs de sonorités plus roots. Mais avec une section de cuivres, des chœurs, des guitares électriques, des claviers, et quelques invités aux chants, Aurelio a clairement pris le parti de faire connaitre sa culture Garifuna au plus grand nombre, en digne successeur d'Andy Palacio, son grand défenseur devant l'éternel. Davy Sicard a un peu la même approche avec le maloya, tout comme Youssou N’Dour, voir Ismael Lo avec leur musique d'origine sénégalaise. Un Youssou N'Dour qu'on retrouve d'ailleurs invité (sur le titre «Lubara Wanwa ») au même titre que certains musiciens de l'Orchestra Baobab et du groupe hip-hop Sen Kumpe. Aurelio revient ainsi aux origines de son peuple, descendant d'esclaves africains, pour une musique qui mêle plus que jamais les influences africaines aux influences caribéennes. Un petit plaisir.

Aurelio Martinez - Laru Beya - 2011 - Real World

The Sway Machinery "The House Of Friendly Ghosts Vol.1"

à l'instar de son précédent groupe Balkan Beat Box, Jeremiah Lockwood a rapidement su s'entourer : du batteur Brian Chase des Yeah Yeah Yeahs, du saxophoniste Colin Stetson d'Arcade Fire ainsi que de deux cuivres d'Antibalas pour, comme il le souhaitait, apporter un peu de fraicheur aux musiques folkloriques juives. Contrat rempli avec "Hidden Melodies Revealed" sorti en 2009. Pour le reste il faudra attendre le 8 mars 2011 pour voir et surtout entendre leur prochain album "The House Of Friendly Ghosts Vol. 1" enregistré a Bamako après avoir été invité a participer au légendaire Festival au désert a Tombouctou, avec la crème de la scène locale : Kharia Arby, Vieux Farka Touré, ou encore Djelimady Tounkara. Leur pèlerinage africain est un bel exemple de rencontre, de partage et de compréhension entre les cultures et les religions, ce que le single "Gawad Teriamou" avec la participation de Khaira Arby illustre merveilleusement bien.

The Sway Machinery - The House Of Friendly Ghosts Vol.1 - 2011 - JDub Records

"Black Swan" Darren Aronofsky

Nina, incarnée par la fraîchement oscarisée, Natalie Portman, réussit à obtenir le rôle principal du Lac des Cygnes , que Thomas, Un chorégraphe français incarné par Vincent Cassel, décide de remonter pour le New York City Ballet.
Nina, qui a enfin obtenu le rôle de sa vie, après de nombreuses années de sacrifice, se trouve alors confrontée à l'interprétation du Cygne noir. L'incarnation du double maléfique et surtout sexué de Odette, est alors l'enjeu pour lequel, Nina devra s'affranchir. Un challenge qui mènera la danseuse au bord de la folie.
Nina n'a aucun mal à être le cygne blanc, métaphore de la femme enfant. Évidemment le cygne noir, incarnation de la femme fatale ou du moins affranchie sera pour elle un défi d'autant que dans sa vie elle entretient avec sa mère des relations qui freine son émancipation, et rend difficile son passage de jeune fille à femme.
la dramaturgie, même convenue, et binaire (le parallèle, femme-enfant/femme fatale, Nina/Lily et cygne blanc/cygne noir ) fonctionne néanmoins et ce, grâce à la virtuosité mêlée de Natalie Portman, et Darren Aronovsky.
Le film repose sur les épaules de la belle Natalie Portman. Elle est vraiment incroyable dans ce rôle de danseuse. On pourra reprocher le fait que ce soit un rôle "à Oscar", j'entend par là que le scénario est écrit de façon à ce qu'elle puisse y jouer le panel entier des expressions. Le fait est, qu'elle rempli toutes les cases et avec maestria. Son oscar tout frais tout chaud, elle le mérite amplement. Le reste du casting, est parfait aussi, Barbara Hershey épatante dans le rôle de sa mère, Mila Kunis diablement sexy, et Vincent Cassel juste, pour ne citer qu'eux.
Darren Aronofsky maîtrise son film de bout en bout. Black Swan n'est pas sans rappeler le précédent, The Wrestler avec Mikey Rourke. Le procédé qui suit un personnage au cœur d'un univers singulier, le tout caméra épaule est similaire. Black Swan est plus hollywoodien, avec une construction écrite plus dramatique. Quelques effets en trop peut-être… L'ensemble magistralement éclairé par Matthew Libatique fait de ce film, un métrage qui restera dans les esprits.