Tout bouge autour de moi, Dany Lafferière

Nous sommes le 12 janvier 2010, Haïti est secouée par un tremblement de terre d'une magnitude de 7.3 sur l'échelle de Richter. Dany Lafferière nous relate l'indicible à travers quelques textes aux titres évocateurs, souvent très courts, pris sur le vif : La minute, Déjà la vie, Le silence, Le piège de béton, La révolution... Autant d'instantanés souvent teintés de mysticisme, que le regard (l'objectif) de l'auteur pose sur ce drame avec distance évitant ainsi trop de pathos mais non sans empathie. Un rapatriement au Canada où très vite la colère sourd face au traitement médiatique de la catastrophe et peut-être aussi conséquence post-traumatique face à l'inconcevable : La guerre sémantique, Le petit écran, Année zéro, Un pas incertain... Enfin de nouveau le retour au pays, à la vie quotidienne à Port-au-Prince, à l'épicentre et ses questions (ses énigmes), ses croyances : Le coupable, Que veut Goudougoudou, Le rire et la mort, L'énergie de l'argent, L'obole du pauvre... Ce récit n'est pas une longue litanie de souffrances, ni de résignation, ni d'acte de contrition face au destin, pas non plus une ode aux humanitaires et leurs parangons de vertus. Mais peut-être plus simplement une belle leçon de courage, d'humanité, de joie. De vie.

Tout bouge autour de moi, Dany Lafferière, Grasset, 2011.

La playlist vidéos d'avril 2012

Si vous ne faites pas partie des Français ayant un "vrai travail", vous êtes bienheureux puisque vous trouverez certainement le temps nécessaire pour vous plonger dans cette nouvelle playlist vidéos. Sinon, vous devrez attendre le prochain jour férié (puisque vous travaillez aussi le dimanche n'est-ce pas?). Ah non, j'oubliais, le prochain est le 1er mai et vous, vous êtes invités à la fête organisée par Nicolas Sarkozy ! Dans ce cas, contentez-vous d'une vidéo par jour, ça atténuera peut-être votre souffrance quotidienne et ce sera déjà pas mal ! Bon courage !



Tracklisting :
  • Vic Chesnutt "Granny" (2009)
  • Sidi Touré "Ni See Ay Ga Done" (2012)
  • Lee Fields "Faithful Man" (2012)
  • Scout Niblett (Feat. Will Oldham) "Kiss de beggars" (2007)
  • Mikhael Paskalev "I spy" (2011)
  • OK Go "Skyscrapers" (2012)
  • David Lynch "Crazy Clown Time" (2012)
  • Joy Denalane "No More" (2012)
  • We Are The World "Fight Song" (2010)
  • Willy Moon "I Wanna Be Your Man" (2012)
  • Liz Green "Bad Medicine" (2012)
  • The Dø "Dust It Off (Southern Souls Session)" (2010)
  • Radioinactive "Mint Tea (feat. La Caution & 2MEX)" (2012)
  • Loïc Lantoine "Pierrot" (2006)
  • C2C "Fuya - Live (Panoramas 2012)" (2012)
  • Eric Bibb "Bayou Belle" (2012)
  • Magnolius "Selaron" (2012)
  • tUnE-yArDs"My Country" (2012)
  • Mr Day "Forgotten Realms" (2012)
  • Amadou & Mariam "Wily Kataso" (2012)
  • Frank Sinatra "That's Life (Live)" (1966)
  • The Black Ryder "Sweet Come Down" (2012)
  • Skinny Lister "If The Gaff Don't Let Us Down"(2009)
  • Márcia Castro "De Pés no Chão" (2012)
  • Ebo Taylor "Ayesama" (2012)
  • Sammy Davis Jr "You Rascal You"
  • Abraham Inc. "Tweet-Tweet" (2010)
  • Mo Kolours "Banana Wine" (2012)
  • Meridian Brothers "Canción de Invierno" (2005)
  • Kanyi "Ingoma" (2012)
  • Jungle by Night "Ethiopino" (2012)

Mux Mool "Planet high school"

Originaire du Minnesota et installé à Brooklyn depuis quelques années, Brian Lindgren a.k.a Mux Mool réalise un très joli coup en nous proposant son second LP  "Planet high school". Opus bourré de très bonnes idées. L'album tire clairement vers l'abstract hip-hop (pour essayer de lui donner une orientation) mais les rythmes et les ambiances variés viennent continuellement bousculer les genres, on trouve donc un peu de G-funk, d'electro et même quelques sonorités plus afro en bonus. Avec un grand sens du groove, Mux Mool fait preuve d'une imagination débordante et réussit de plus à cadrer son énergie pour que ses morceaux ne s'éparpillent pas comme une succession de jolies boucles. Les morceaux sont denses, jamais cacophoniques même si certains sont au bord de la rupture. Le sens mélodique du beatmaker permet aux pistes de toujours garder le cap. Les morceaux s'enchainent sans temps morts. Les lignes de basses, breaks, les petites cordes et les boucles numériques réussies, on a envie de s'y replonger illico dès la fin des douze titres. "Planet high school" est un album riche où l'on pense de loin à Scott Heren ou encore à Daedelus par moments. Mais Mux Mool dispose aussi d'un vrai son et d'un univers attachant. Une excellente surprise, hautement recommandable.

Mux Mool - Planet high school -ghostly international - 2012

Sandra Nkaké "Nothing For Granted"

Sur « Mansaadi », son 1er album, Sandra Nkaké s'était  fait remarqué avec une reprise très personnelle et très soul de « La Mauvaise Réputation » de G. Brassens. Avec son 2ème album, elle a encore élargit son spectre musicale avec de la soul, du funk et de la pop, tout en s'autorisant quelques incartades vers le rock, le jazz, et le reggae. Ce nouvel album est d'une maîtrise bluffante, même si le son gagnerait parfois a être plus sale, avec une artiste qui porte véritablement son album a bout de voix ! Une voix puissante et charismatique qui nous amène où elle veut sans pour autant tourner à la démonstration technique, un peu à la manière d'une certaine Nina Simone, excusez du peu ! « Like a Buffalo » pour son énergie rock, et « Mankind », hymne à la liberté entre reggae et rock, sont deux véritables tubes au milieu de titres parfois beaucoup plus smooth, façon Sade comme « Nothing For Granted », ou Nostalgia 77 sur « I always the same ». Du travail de pro qui réussit à nous séduire et une artiste qui a vraiment tout d'une grande, d'une très grande !

Sandra Nkaké - Nothing for granted -  Jazz Village - 2012

L'actu en musique - La partie de chasse du roi d'Espagne

Une photo qui date de 2006

L'actu : la partie de chasse du roi d'Espagne

Le Vendredi 13 dernier n'a vraiment pas porté chance au roi d'Espagne Juan Carlos, qui s'est fracturé la hanche lors d'un séjour au Botswana. Selon certains médias espagnols, il s'y était rendu pour une partie de chasse à l'éléphant, autorisée à condition de payer autour de 30 000 euros. Une étrange manière de faire preuve de solidarité avec le peuple espagnol qui trime en période de grave crise économique.

Le morceau : The Tallest Man On Earth "King of Spain" sur "The Wild Hunt"(2010)

"Le Roi d'Espagne" Sur l'album "La chasse sauvage", on ne pouvait trouver meilleur titre pour illustrer cette actualité. Avec une voix proche de celle de Dylan, ce Suédois nous avait offert il y a 2 ans un 2ème album de folk rustique particulièrement réussi. La chronique de l'album.

King of Spain by The Tallest Man on Earth on Grooveshark

Kjartan Flogstad, Des hommes ordinaires

La première partie de ce livre raconte comment la jeune élite intellectuelle et bourgeoise allemande persuadée d’œuvrer pour le bien plonge dans la barbarie. Le cercle polaire arctique en Norvège et sa frontière avec l'U.R.S.S. entre 1942 et 1945 sont les lieux où se déroule le baptême du feu pour les deux protagonistes, Otto Nebelung & son mentor Paul Damaskus. La deuxième partie du roman se déroule pendant la guerre froide et  jusqu'aux années 80, mettant en lumière comment un certain nombre de dirigeants du IIIème Reich ont intégré les plus hautes responsabilités de l'administration allemande ainsi que des grandes entreprises avec l'assentiment des vainqueurs et dès 1950. Un flic, à la biographie complexe, mène une enquête sur le noyautage de la société norvégienne par l'OTAN, cette organisation naviguant au seuil de la légalité et n'ayant pas hésité à se compromettre avec d'anciens criminels de guerre pour répondre au nouvel enjeu qu'était la lutte contre le communisme. Épopée se déroulant et s'entremêlant sur plus de 50 ans : arrivée du nazisme, seconde guerre mondiale, dénazification, guerre froide jusqu'au terrorisme de divers fractions armées en Europe, ce roman historique très documenté et parfois un peu difficile est sidérant. L'ironie de l'Histoire et le cynisme "des homme ordinaires" nous glacent le sang mais aussi nous laissent entrevoir la frontière parfois ténue entre le bien et le mal.

Kjartan Flogstad, Des hommes ordinaires, Stock, La Cosmopolite, 2012.

Pouss'Disques n°6 - En attendant l'été

une sélection assez contemporaine avec le seul "The Boss" de l'immense James Brown et le "Disco hi-life" d'Orlando Julius (exception faite du remix de Chancha Via Circuito) qui datent du siècle dernier. Sinon toujours du tout venant, attachant, à écouter tranquille en attendant l'été ou les ponts de Mai. Enjoy!

  •  The national fanfare of kadebostany "Walking with a ghost"
  •  José Larralde "Quimey neuquen (chancha via circuito remix)"
  •  Onra "They got break two"
  •  Dafuniks "D to the A (feat. Barbara Moleko)"
  •  Lee fields "Faithfull man"
  •  James Brown "The boss"
  •  Orlando Julius "Disco hi-life"
  •  Burnt Friedman "Los corraleros"
  •  Los chinches "Serpiente Negra"
  •  Quakers "Mummy (feat. Diverse)"
  •  Sean Born "Bullshit interlude (feat. Hassan Mackey)"
  •  Sore losers "Him her we"
  •  Souleance "Automatico"
  •  Depth Affect "Hero crisis"
  •  Noir & Haze "Around (Solomun Vox remix)"
  •  Clark "The pining pt.2"

L'actu en Musique - La surprise Quevilly

"L'actu en Musique" est une nouvelle rubrique dans laquelle une actualité récente est illustrée par un morceau avec plus ou moins d'à-propos.

L'actu de la semaine : la surprise Quevilly

Le 11 Avril dernier, l'US Quevilly bat le Stade Rennais en 1/2 finale de la Coupe de France. Les Normands disputeront la finale contre l'Olympique Lyonnais au Stade de France, le 28 avril.

Le morceau : Gnarls Barkley "Surprise" sur "The Odd Couple"(2008)

Issu du deuxième album de Cee-Lo et Danger Mouse qui fait suite à "St. Elsewhere" et son méga-tube "Crazy". Une confirmation pour une pure soul du 21ème siècle.

Surprise by Gnarls Barkley on Grooveshark

"La ligne de force", Pierre Herbart

Ce livre de souvenirs débute par l'itinéraire d'un indigné dans l'entre-deux-guerres en Indochine. Cette description cinglante et lucide de la colonisation française que même les fumées d'opium n'arrivent à masquer est une chronique d'un désastre annoncé. L'étape suivante est une grande et belle histoire d'amour russe contrariée par le stalinisme. Puis la guerre d'Espagne, où se jeter pour oublier, et le télescopage entre Gide, Aragon, Malraux et la ligne du Parti sur les barricades madrilènes. Enfin la Résistance d'un homme désinvolte pour qui la Victoire sonne le glas de ses dernières illusions. Ligne d'échec de l'Histoire, des idéologies et des hommes qui y ont crues. Ligne de fuite aussi face à la réalité. Mais ligne de force surtout dans l'amour inconditionnel de la vie tant que l'on se tient en retrait "devant la frivolité des choses sérieuses". C'est drôle, sincère, bien écrit. A découvrir absolument. Bonne lecture.

Pierre Herbart, La ligne de force, Gallimard, L'imaginaire, 2011.

Dr. John « Locked Down »

En attendant de se retrouver aux manettes du prochain album d'Hanni El Khatib, Dan Auerbach s'est affairé à celui de Mister Dr. John ! Cette légende de la Nouvelle Orleans s'est laissé convaincre d’enregistrer à Nashville avec des musiciens choisis par le guitariste des Black Keys. C'est ainsi qu'on retrouve Leon Michels (leader d' El Michels Affair, collaborateur d'Aloe Black, de Lee Fields, du Menahan Street Band, de Charles Bradley), Max Weissenfeldt  (batteur de The Whitefield Brothers), Nick Movshon (bassiste d'Antibalas et du Menahan Street Band, collaborateur d'Amy Winehouse, de Charles Bradley, de Sharon Jones). Du bien beau monde, si on y ajoute en plus les sœurs McCrary aux chœurs, et autant vous dire que ça groove ! La musique du Doc s'en trouve sacrément dépoussiéré sans jamais pour autant perdre son identité. « Revolution » détonne avec ses cuivres et son clavier dignes de Mulatu Astatqe, « Big Shot » déroule à la manière d'un Tom Waits accompagné de cuivres à la Antibalas, et « Getaway » est dans la franche lignée de ce que sait faire de mieux The Black Keys, du blues rock groovy à mort. Un album réalisé par un fan qui a su tiré le meilleur du musicien en y apportant sa touche personnelle. Une réussite.

Dr. John - Locked Down - Nonesuch Records - 2012

   

Metta World Peace

Non, il ne s'agit pas d'un nouveau groupe de rap qu'aurait chroniqué un de mes collègues blogueurs, mais bien d'un joueur de basket NBA. Metta World Peace est le nouveau nom que s'est attribué depuis cet été le fameux Ron Artest, après l'accord du cour de Los Angeles. Artest n'est pas le premier sportif à changer de nom : en 1981, Lloyd Bernard Free s'est renommé World B. Free.
« Metta », son prénom, vient de sanskrit et signifie « amour bienveillant » chez les bouddhistes, la religion d'Artest, et son nouveau nom est tout aussi explicite. Artest, 32ans, 115kg, a derrière lui une belle carrière, meilleur défenseur de l'année et allstar en 2004, et champion avec les Lakers en 2010. Mais il est surtout connu par ses coups de sang et ses provocations, qui n'inspiraient pas forcément à la paix universelle. En 2004, il prend la plus grosse suspension (hors stupéfiant) pour un joueur NBA : 78matchs ! La raison, après une énorme faute d'Artest sur le massif Ben Wallace, la tension monte entre les joueurs des 2 équipes. Artest reçoit alors un gobelet venu du public. Ni une, ni deux, Artest fonce dans les gradins, et commence à éclater les supporters lui faisant face. Les autres joueurs s'en mêlent et le match se transforme en combat de rue légendaire!
Depuis, Artest « World Peace » dit avoir changé et trouvé la zénitude. Tant mieux pour ses adversaires, mais tant pis pour le « spectacle », que n'aurait pas renié, après son kung fu sur un supporter en 1995, un certain Eric Cantona! Kenavo.

Arthur H & Nicolas Repac « L'Or Noir »

Arthur H et Nicolas Repac sont compagnons de longue date, depuis l'an 2000 et « Pour Madame X » le 4ème album du fils de Jacques Higelin  et « Négresse Blanche » 3 ans plus tard. Ensuite ils ont suivi chacun leur route, Arthur avec un certain succès et Nicolas, en tant que faiseur de sons, et des albums solos hautement recommandables comme « Swing Swing », et des collaborations originales, avec Mamani Keita notamment. « L'or Noir » signe leurs retrouvailles pour le premier volume d'une série intitulée « Poetika Musika » qui consiste à mettre en musique  les poètes qu'ils aiment. Ce 1er volume est consacré à la « Poésie Noire » d'Édouard Glisant, Aimé Césaire et compagnie. L'ambiance musicale installée par Nicolas Repac est toute en sobriété et fortement cinématographique alors qu'Arthur H semble profondément habité par ces poèmes antillais. « Cahier d'un retour au pays natal » et ses 10 minutes extraordinaires est le point d'orgue de cet album qui magnifie la poésie. Une poésie qui vit, une poésie qui chante, une poésie qui nous emporte loin, très loin ! 

PS : Le prochain tome sera consacré aux beatniks américains et le 3ème à René Char. On va suivre ça de près !

Arthur H & Nicolas Repac - L'Or Noir - Naive - 2012


Quakers "Quakers"

Voici le gros événement de l'année 2012 chez Stones Throw, "Quakers", le gigantesque projet hip-hop de Geoff Barrow, Stuart Mattews et Katalyst. Accompagnés d'une trentaine de MC's, parmi eux Guilty Simpson, Med, Diverse, Booty Brown ou Aloe Black, les 3 producteurs ont réuni autour d'eux une masse de talents pour épouser leurs productions. Ils (Barrow en particulier) ont concocté l'album hip-hop qu'ils attendaient depuis un moment mais qui n'était toujours pas arrivé jusqu'à leurs portugaises. Derrière ce petit élan prétentieux se cache un disque qui tient toutes ses promesses. "Quakers" est ambitieux et incontestablement maitrisé de bout en bout. Les titres sont courts et les ambiances variées. Les samples funky, psychés ou plus sombres sont judicieux et font mouche à tous les coups. Les 41 titres passés, on se surprend à laisser aisément l'ensemble embrayer pour un deuxième tour. Le pari est donc largement réussi, Stones Throw frappe un grand coup, ce disque sera certainement indéboulonnable du sommet des disques hip-hop de l'année. On se met à rêver que ce genre d'initiative inspire d'autres producteurs aussi talentueux que ce trio. Essayez de résister à "Smoke", "Mummy", "Chucky Balboa", "Get live" ou encore l'énorme "The tunk". "Quakers", c'est du lourd.

Quakers - Quakers - Stones Throw - 2012