Zone s'ouvre sur une phrase déjà commencée et qui se finira 400 pages plus loin. Il n'y a pas de point dans le monologue du voyageur qui somnole dans le train entre Milan et Rome, ses réflexions et ses souvenirs s'entrechoquent dans un dense chaos, parfois interrompu par la lecture d'un roman, sur la guerre du Liban, que Mathias Enard intercale entre les pensées du voyageur. L'identité de ce voyageur n'est pas très claire mais petit à petit on arrive à composer son portrait et sa biographie. Les conflits de ce siècle le poursuivent, lui qui a participé à la guerre en Yougoslavie, puis qui a travaillé pour une agence de renseignement dans une zone sensible, notamment en Algérie. Il est aussi obnubilé par les actes de son père pendant la guerre d'Algérie et par ce qui s'est passé au cours de la seconde guerre mondiale. A cela se mêle sa fascination pour les écrivains en perdition qui naviguent entre alcool, folie et violence. On croise les fantômes de William Burroughs à Tanger ou de Lowry à Toarmine. Les histoires d'amour n'offrent pas non plus de répit au passager, les quelques femmes qu'il a côtoyées n'ont pas pu percer la carapace de cet homme tout en noirceur et leurs relations se sont finies dans le silence et la violence.
Francis Servain Markovic n'est donc pas un agent secret à la James Bond. C'est un homme seul cerné par la violence de ce siècle et dont on ne voit pas très bien quelle genre de vie il va pouvoir reconstruire. Mathias Enard nous projette dans le bassin méditerranéen et dans l'Histoire le temps d'un voyage en train et il faut se plonger dans ce texte pour que les souvenirs puissent s'imbriquer les uns dans les autres et et nous permettent de lever un peu le voile qui entoure le voyageur.
Mathias Enard, Zone, Arles , Actes Sud : 2008. Prix Inter
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