"Moonrise Kingdom", Wes Anderson

Wes Anderson fait partie de ces artistes brillants, inspirés, tellement élégants, mais qui vivent sur une autre planète. Quand on lui rend visite et qu’on goûte à ses films, tout laisse à penser que là-bas, il s’éclate comme un fou !
On est en 1965, nous avons été catapultés sur une petite île de la Nouvelle Angleterre. Bienvenue dans le camp scout du Renard grincheux. Ici les adultes se comportent comme des enfants et les enfants sont des animaux (plus d’une fois on repense au merveilleux Fantastic Mister Fox, son précédent opus, tellement plus inspiré !). Sam est notre héros, on le reconnait facilement il est habillé comme Davy Crockett, avec une toque à queue de renard. Quand à Suzie c’est une jolie petite mésange bleue et puis après une sorte de lotita, maquillée comme une poupée fatale. Les deux petits cocos ne vont pas tarder à se trouver très à leurs goûts et décider de s’enfuir dans la nature pour y vivre leur amour naissant. Ce qui évidement ne sera pas du goût des adultes irresponsables et lâches que sont leurs parents le shérif et le chef du camp scout.

Disons tout de suite notre déception face à ce nouvel opus, formellement réjouissant mais par ailleurs un peu vain. Comme souvent chez ce peintre pop qu’est Wes Anderson, l’histoire est prétexte à accoucher de scénettes, de tableaux élégants, mais ici tout est faux, c’est comme du coloriage. Certes, chaque scène est sertie de trouvailles, chaque second plan apporte de la malice, du charme, ce petit humour spécial “from another planet” et cela suffit pour que l’on passe un très beau moment, mais sinon... On s’en fout un peu.

Le problème est que la patte, quelque peu artificielle, rend l’histoire toc et toute émotion impossible. C’est bien dommage car tout est là. En enfant très gâté Wes Anderson a sous la main des figures fantastiques. L’ami Bill Murray toujours passionnant, parade en pantalon de golf, la bouteille de vin à la main, dans l’autre il tient une hache: mais vas-y Bill, va couper un arbre dans ton jardin ! Et il y va. Avec son petit short et ses écussons de castor, Edward Norton nous offre une composition très curieuse. La clope au bec et le foulard bien repassé il parade tel un chef d’orchestre au milieu de ses instruments, il les maîtrise tous. La vie est une chorégraphie bien huilée mais sitôt que les éléments dégénèrent il se retrouve complètement perdu. Pourtant il tient bon et comme tout le monde il fait n’importe quoi. On le retrouve plus loin, bouleversé et seul, malheureusement on ne ressent pas grand-chose. A la fin il porte sur son dos, le valeureux Harvey Keitel en short lui aussi. Mais qu’est ce qu’il fout là ce sac de patates, il n’a pas mieux à donner comme acteur génial qu’il est ? C’est peu léger monsieur Anderson. On a le sentiment que ça pourrait être tellement plus fort. Bruce Willis s’en sort très bien, certes il est sheriff et il vit dans une caravane pourrie mais il a du cœur, c’est lui qui recueille Sam quand sa famille adoptive ne veut plus de lui. Bruce est beau, il a de très belles lunettes.

Disons un mot de la musique, elle est autant que la couleur partie intégrante de la patine du film. Une fois encore, Alexandre Desplat est aux manettes, il semble que mister Anderson se soit trouvé un alter égo à son goût pour les matières nobles. Petites cloches, chœurs d’enfants, roulements de tambour et laisser moi passer, j’ai envie entendre Françoise Hardy ! C’est le temps de l’amour et ça donne envie de s’en donner à cœur joie ! Ne ratez pas le générique final, un petit bijou, la partition y est commentée par la voix de notre ami Sam au fur et à mesure que les instruments s’expriment. L’émotion, enfin !

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