« Mausolée », Rouja Lazarova

Il y a de nombreux points communs entre l'auteur, la narratrice et les personnages du roman. Mais il y a aussi beaucoup de distance et de retenue entre ces femmes. Par exemple la narratrice, Miléna adulte qui s'exprime à la première personne, parle de la petite fille qu'elle était à la troisième personne. Et si l'enfant hait le vigile du lycée qui enduit les grilles de l'école de saindoux pour empêcher les élèves de grimper par dessus, la narratrice elle "n'éprouve plus que de la pitié". De même entre Miléna et sa mère les gestes d'affection sont pleins de pudeur : "Je l'ai prise dans mes bras. Puis je me suis détachée, car je n'étais plus la petite fille câline d'antan." C'est que ces femmes, Miléna, sa mère Rada et sa grand-mère Gaby, sans doute comme Rouja Lazarova -"née en Bulgarie communiste" ainsi que l'indique la quatrième de couverture- ont perdu spontanéité et fantaisie à force de se heurter de plein fouet à la brutalité du système communiste bulgare. On est frappé par la haine qu'éprouvent ces femmes contre le régime totalitaire et par la force de caractère dont elles font preuve pour rester intègres dans un monde corrompu et injuste. Le récit est un peu adouci par des rencontres amoureuses (qui peuvent aussi tourner au vinaigre ou rester platoniques) ou des souvenirs de vacances au bord de la Mer Noire. Et les années qui suivent la Chute du communisme ne sont guère plus riantes même si elles apportent la liberté. Les rencontres avec les étrangers entraînent de véritables chocs pour Miléna surtout quand des Français défendent le communisme qui n'est pour eux qu'une mode ou un idéal utopique. Dans son pays le fric et la mafia ont pris les manettes du pouvoir et continuent à ériger une société injuste et inégalitaire. "Mausolée" n'est pas qu'un témoignage historique c'est surtout l'imbrication littéraire de vies et de personnes qui forment tant bien que mal une famille.

LAZAROVA Rouja, Mausolée, Paris : Flammarion, 2009

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