"Shame" Steve McQueen

Avec un peu de retard, j'ai vu Shame de Steve McQueen (dit III), à priori aucun rapport avec l'acteur homonyme. Certain dans le commentaire du bilan de fin d'année regrettait que ce film n'y figure pas. Il aurait pu l'être effectivement ou s'il n'y avait pas été il n'aurait sûrement pas été bien loin du "top Ten" de l'année 2011. Shame est le film sulfureux de cette fin d'année, puisqu'il parle de l'addiction sexuelle, une maladie qui a fait parler d'elle cette année, dont nombre de magazines de tous poils ont fait l'écho depuis la fameuse affaire DSK. Une addiction finalement cher à notre époque, dont le nombre d'adepte grandit, et ce visiblement depuis la démocratisation d'internet et la multiplication des sites de sexe en ligne.
Le film suit Brandon, Jeune "yuppie" New-yorkais, célibataire qui justement assouvit au quotidien son addiction par des rencontres éphémères ou le surf sur les sites porno de tout genre. Sa vie très solitaire est organisée autour de cette addiction, et il se démerde avec, jusqu'au jour où débarque sa sœur pour s'installer dans son appartement. Peu à peu, Brandon va se sentir piégé, acculé. Que ce soit le frère ou la sœur, l'un et l'autre ont un mal être de l'existence, très marqué et la façon dont ils ont d'y répondre est opposée. Brandon axe sa vie sur le plaisir physique, à la manière des musiciens de Be-Bop de Sur la route, il est en perpétuel recherche du "hit", et se refuse à aimer, au sens spirituel. Il semble en être incapable malgré quelques tentatives. Sa sœur quant à elle, cherche l'amour avec un grand A, n'hésitant pas à se jeter dans les bras du premier venu. Malgré les liens fraternels qu'il peut avoir pour elle, il reste seul et ne conçoit les choses que comme ça. La solitude est au cœur du film.
Après Drive, Shame est un autre beau portrait sur un mort-vivant. C'est l'axe choisi par Steve McQueen, contrairement à Claire Denis qui avait fait un parallèle de l'addiction sexuelle avec le vampirisme dans Trouble every day
La foi ou le manque de foi en ce qui concerne Brandon est le sujet central du film. Le titre : Shame qui signifie Honte, ancre l'histoire dans la morale judéo-chrétienne, et la luxure fait évidemment parti des 7 péchés capitaux. On surfe sur le thème de la rédemption, même si ici il n'y en a pas vraiment! Contrairement à un film de la trempe de Bad lieutenant, auquel on pense forcément, Shame ne va pas vraiment au bout de son sujet. De plus on aurait aimé en savoir un peu plus sur le passé des protagonistes. A la fin du film Sissy dit à son frère: " Ce qui est pourri c'est d'où on vient ", un peu trop mystérieux!
le film est cependant d'une rare beauté glauque, magnifiquement interprété notamment par son acteur principal, Michael Fasbender. Son interprétation sophistiquée est un atout majeur, savamment soutenu par une réalisation très tenue. Les cadrages n'hésitent pas à coincer son personnage dans les coins à la limite du hors-champs accentuant le caractère "border-line" et asocial du héros. McQueen orchestre son film autour d'un découpage soigné, il alterne de magnifiques plans séquences à la sortie d'un métro ou lors d'un travelling impressionnant, il suit la course effrénée et libératrice de son personnage sur une distance de plusieurs blocs. Il sait aussi s'arrêter en plan fixe sur Sissy (Carey Mulligan), le temps de son interprétation de New-york New-york. A n'en pas douter Shame restera bien dans les mémoires.


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