« Le Ruban blanc », Michael Haneke

Des mains de son actrice fétiche, Isabelle Huppert, Mickael Haneke a reçu pour ce film la palme d’or au dernier festival de Cannes. Haneke, réalisateur exigeant et rigoriste, s’est ainsi vu consacré comme étant l’un des réalisateurs phares d’aujourd’hui. Son ruban blanc dont le titre en VO est complété en exergue par: “Eine deutsche Kindergeschichte” que l’on peut traduire par : une histoire d’enfant allemande à été vendu comme étant la volonté de son auteur de disséquer ou du moins de tenter de comprendre les origines du nazisme en Allemagne. En d’autre termes, il s’agit en quelque sorte de se pencher sur les racines du Mal. —Toute l’histoire se déroule à la veille de la première guerre mondiale dans un village protestant d’Allemagne du nord. La vie des villageois et notamment des enfants qui sont au cœur du propos, est à l’époque entièrement régie par une éducation religieuse stricte et répressive mais aussi par des rapports sociaux de dominés/dominants tout droit issus du modèle seigneurial du Moyen-âge. —Le film débute sur la chute à cheval du médecin du village provoquée par un fil tendu entre deux arbres et littéralement invisible. Ce fil est tout le propos du film. C’est la gangrène qui peu à peu s’installe insidieusement dans les rapports humains. Par cette allégorie, Haneke s'évertue, scène après scène, à travers une multitude de personnages représentatifs de cette société (le pasteur, le baron, le médecin, les paysans, l’instituteur) à démontrer le mécanisme qui fait qu’à une époque donnée, dans un endroit donné, un modèle social à bout de souffle et une éducation vertueuse mais extrêmement stricte ont été les vecteurs qui ont donné naissance à des monstres. Les chères petites têtes blondes du film font froid dans le dos et rappellent, comme l'a fait remarquer le critique de Télérama, les enfants du village des damnés —Haneke développe son film de manière austère et rêche avec beaucoup de recul et un noir et blanc de grande tenue signé Christian Berger. Il excelle dans le plan séquence non-démonstratif. Il signe plusieurs séquences qui resteront dans les mémoires, relatives aux rapports cruels entre les hommes. Par ailleurs ce que je reproche souvent à cet auteur c’est son petit côté “prof”. Toujours prêt à donner une leçon au spectateur. Il est parfois, me semble-t il , faussement humble : c'est ce que je ressens quand il utilise par exemple pour son générique une police si petite qu’on a du mal à lire même sur un écran de 12 m de base. Ou quand il laisse son générique de fin défiler sur un silence semblant nous dire: “regardez le grand film que je viens de vous faire!” Ceci étant, Le ruban blanc est effectivement un grand film et peut–être l’un de ses meilleurs. Il marque les esprits et nous interroge longtemps après l’avoir vu. Grâce à une mise en scène sobre et une direction d’acteurs adéquate. Chaque rôle est parfaitement incarné — Que ce soit la violence physique ou intellectuelle, la violence est un thème cher au réalisateur, elle est ici partout, dans les rapports de classe sociale Seigneur/Paysans, dans les rapport éducatifs Parents/Enfants, dans les rapports relationnels Homme/Femme, il s’agit ici toujours de relations sado-masochistes que semble justifier la société de l'époque. C’est l’humiliation qui détermine les rapports entre les êtres. Le réalisateur s’interroge alors sur cette violence apparemment gratuite, ces rituels punitifs qui semblent avoir été infligés par les enfants à leurs victimes (le fils du baron, l’enfant innocent) et sur sa justification. Ceci étant Haneke, dont le film est emprunt d’une ambiance de film à suspens, ne donne pas de réponse et garde le mystère. Les enfants sont–ils coupables de ces actes ou non? Après tout, ils sont les fruits de leurs ascendants. Et même si ces derniers sont de bonne foi quand ils inculquent leurs valeurs comme le fait par exemple le pasteur avec ses enfants, le résultat n’est pas obligatoirement celui escompté. C’est toute la difficulté de l’éducation. Les enfants du film qui ont entre 5 et 15 ans à la veille de la première guerre mondiale seront effectivement ceux qui glisseront du côté obscur en participant au nazisme 20 ans plus tard. Cette terreur mènera la génération allemande suivante (celle d'après la seconde guerre mondiale) à la déprime comme on le voit dans le film Allemagne année zéro, un autre film ou l'enfant est au cœur du propos et se suicide à la fin — Une question demeure, si les racines du nazisme sont en partie dues a une éducation rigide basée sur l’humiliation et une société inégalitaire qui avilit le peuple, pourrissant ainsi peu à peu les rapports humains, pourquoi le nazisme se serait plus développé en Allemagne que dans un autre pays d’Europe? Puisque à cette époque, nombre d’entre eux avait une société similaire. La seule réponse d’Haneke tient peut-être dans le choix de son narrateur et alter ego : l’instituteur du village, seul représentant laïc de cette société. Haneke, qui est proche de la France, sait aussi qu’à cette époque en France, même si l'éducation était sûrement aussi rigoriste et encore proche de la religion. La France avait connue la révolution. Ce qui n’avait certes pas entièrement changé les rapports entre les classes sociales, mais proposait un modèle sociétal déjà différent. Ce second souffle n’empêcha certes pas une partie de la population de glisser vers le fascisme ou d'autres formes de nationalismes mais évita de sombrer dans un modèle plus extrémiste… c’est juste une supposition de ma part d'autant que ça n'explique pas tout puisque la France est à l'époque un exemple à part en Europe où le reste des pays avait une société encore basée sur l'ancien régime….j’attends d’éventuels avis ou compléments d'informations.

Le Ruban blanc, Michael Haneke - 2009 -  les films du losange


2 commentaires:

  1. Super bonne critique, je partage vraiment ton analyse du film et je pense que ta comparaison avec l'environnement social de la France est très juste.

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  2. bravo chi8, j' ai toujours du mal à comprendre ou veut en venir haneke à chaque fois. ton analyse m'éclaire pas mal sur le film, je me sentais un peu perdu à la sortie du ciné.
    dave

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