Frente cumbiero "meets Mad Professor"

Cela faisait un bon moment que je n'avais pas entendu parler de Mad Professor ou du moins que je ne m'étais pas arrêté sur ses disques car depuis sa version dub du "No protection" de Massive Attack il n'y a pas grand chose de vraiment marquant dans sa discographie. On le retrouve ici en forme en proposant 7 versions dub d'une matière sur laquelle on n'était pas habitué à le voir, la cumbia. Le Frente Cumbiero est un projet à l'initiative de Mario Galeano, grand spécialiste de la cumbia, et qui nous renvoie aux origines de ce mouvement en passant par l'Afrique . L'album se décompose en 2 parties; une première de 7 pistes par le Frente Cumbiero qui distille sa musique et son énergie à grand coups de basses, cuivres, accordéons, guitares et clarinette. Arrive ensuite le natif de Guyana pour revisiter ces 7 pistes en versions dub. Et dans l'ensemble, si le travail de Mad Professor est loin d' être inintéressant notamment du fait qu'il n'en rajoute pas trop dans les effets dont il est coutumier, la première partie de l'album remporte quand même la mise avec un beau lot de pépites. "La bocachico" ou "Cumbietope" sont totalement irrésistibles. La musique sud-américaine est en grande forme, il suffit simplement de regarder les programmations des prochains festivals estivaux pour s'en faire un idée. Celle du Frente Cumbiero est dynamique et pleine de créativité, elle s'offre même le luxe de donner une seconde jeunesse au Mad Professor. Ces Colombiens avaient sorti l'année dernière, ou il y a deux, un joli petit single, "Ananas Torniullo", avec des claviers et une basse obsédants. Leur passage au long format s'avère aussi être une totale réussite.

Frente Cumbiero - Meets Mad Professor - Salga el sol - 2010

Boudjellal et le rêve toulonnais

4 équipes françaises sur les 8 qualifiées pour les quarts de finale de la Coupe d'Europe H Cup : si le rugby français va si bien, c'est grâce notamment à l'argent des retransmissions tv, notre championnat est ainsi devenu le plus attractif du monde. Déjà l'année dernière, la finale européenne était 100% française avec Toulouse en vainqueur. Qui sera le gagnant cette année? Le tirage au sort (fait étrangement et discrètement sans témoins à Dublin!) a donné 2 confrontations franco-françaises : Toulouse-Biarritz, et Perpignan-Toulon, pour un quart de finale qui aura lieu au stade du Camp Nou des cousins catalans de Barcelone! Les Toulousains et les Perpignanais seront favoris, mais les Toulonnais n'ont pas dit leur dernier mot. Ce club, qui vit sa deuxième saison de remontée en Top14 (1ère division), est aujourd'hui une énorme cylindrée (capable d'éliminer le terrifiant club irlandais Munster!).

Un nom pour expliquer cette réussite soudaine : Mourad Boudjellal! A la mort de son grand-père algérien, sa grand-mère arménienne (rescapée du génocide arménien!) s'installe à Toulon en 1945, avec son fils, le futur père de Mourad. Né en 1960, dans un milieu modeste (son père est chauffeur poids lourds) Mourad est d'abord un fan de BD; il ouvre ainsi une petite librairie, puis fonde les éditions Soleil qui vont connaître un énorme succès avec le rachat des droits de Rahan, puis la publication de nombreux succès comme « Lanfeust de Troy ». En 2006, il rachète le club de son cœur et y fait venir plusieurs stars vieillissantes comme le black Tana Umaga. Actuellement Toulon rêve de titres grâce au fameux Jonny Wilkinson, l'homme qui offrit à l'Angleterre la seule Coupe du Monde revenu en hémisphère nord en 2003 et actuel meilleur marqueur de l'histoire du rugby international. Jonny sera-t-il présent pour sa dernière coupe du monde en septembre?

En effet, sans Coupe du Monde de football ni JO, il faudra se tourner en 2011 vers la Coupe du Monde de rugby en septembre-octobre en Nouvelle-Zélande. Certes, les horaires ne vont pas nous aider à supporter l'équipe de France, à la recherche du titre suprême depuis la création de cette compétition et après 2 finales perdues en 1987 et 1999. Quelles sont les chances réelles des bleus? Lièvremont, qui a repris le flambeau de Laporte après le semi-échec de la dernière Coupe du Monde en France (4ème place), a réussi à relancer un groupe qui paraît être le plus fort d'Europe. Cependant, la branlée prise contre les wallabies australiens en novembre (16-59) semble montrer aussi les limites de cette jeune équipe. En même temps, on sait que les bleus savent se surpasser pour les matchs officiels, comme le rappelle les 2 victoires en Coupe du Monde contre les Néo-Zélandais en 1999 et 2007. Cependant, ces chers blacks, chez eux et à la recherche de la coupe depuis la 1ère en 1987, ont aussi beaucoup à montrer et seront les grands favoris, en obligeant désormais leurs titulaires à rester au pays plutôt que de s'enrichir dans les championnats européens, notamment français.

Après cette Coupe du Monde, il faudra attendre encore 4 ans! C'est pourquoi, je plaide pour une nouvelle compétition, deux ans après la Webb Ellis, entre les 8 meilleurs du monde : 4 au Sud (NZ, Australie, Afrique du Sud et Argentine ou Fidji ) et 4 du Nord (France, Angleterre, Galles, Irlande par exemple) pour de vrais matchs à enjeux, et éviter tous les matchs ennuyeux contre des adversaires plus faibles. Mais pour cela, il faudrait que Bernard Lapasset, le président de l'IRB (fédération internationale de rugby) lise ce blog. Et ça, je n'en suis pas sûr... Kenavo

Playlist Tounes Horra

Jules Ferry est un homme politique du XIX ème siècle unanimement salué en France en tant que père de l'école laïque. Il est moins apprécié des Tunisiens pour lesquels il est le grand ouvrier de la mise sous tutelle de la Tunisie par le traité de Bardo du 12 mai 1881. Il déclarera: "Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures"...

Un peu plus d'un siècle plus tard, en 1987, Ben Ali prend le pouvoir après avoir écarté Bourguiba qui l'avait élevé aux plus hautes fonctions. La Tunisie sort alors d'une grave crise économique et le premier ministre Ben Ali a déjà mené son pays vers le libéralisme rompant avec la tradition socialiste puis dirigiste de Bourguiba. Le PIB de la Tunisie a été depuis multiplié par quatre. On pourrait donc penser que les Tunisiens se sont enrichis mais c'est surtout la famille du président qui a raflé la mise. Pire encore, la corruption et le clientélisme ont pesé trop longtemps et trop lourdement sur une économie qui n'arrive pas à absorber l'arrivée massive de jeunes sur le marché du travail. 40% des Tunisiens ont moins de 25 ans. Ces jeunes connaissent un chômage terrible y compris les plus diplômés. Cette inactivité a peut-être poussé certains d'entre eux à fréquenter assidument les stades de football pour y assister à des rencontres à l'issue desquelles il était de bon ton, pour tromper l'ennui, d'aller en découdre avec la police... Eh oui coach Swight... Mais l'inactivité des jeunes tunisiens a eu une autre conséquence : l'éclosion de nombreux blogs et autres sites internet grâce auxquels la parole s'est peu à peu libérée. La pauvreté, la précarité, l'injustice, les violences, la libération progressive de la parole, le renchérissement des matières premières (la crise, toujours la crise...), tout semble réuni et il ne manque plus qu'une étincelle pour mettre le feu aux poudres. C'est alors qu'un jeune tunisien, victime de l'injustice comme tant d'autres, décide de ne pas se contenter d'une étincelle... On peut débattre de la pertinence de s'immoler par le feu. Toujours est-il que ce feu, alimenté par les blogueurs, embrase le pays et commence à chauffer sérieusement le postérieur de Mr Ben Ali qui devient le premier homme au monde à partir chercher la fraicheur en Arabie Saoudite. Choix surprenant pour les Français qui s'attendaient à voir Ben Ali débarquer à Paris. Peut être la présence d'une tonne et demi d'or dans l'avion aurait-elle posé quelques soucis aux douaniers et politiques français... Je suis curieux de savoir ce que les gens qui ont procédé au chargement de cet or ont pu ressentir quand l'avion a décollé... Après ce que certains appellent la première cyber révolution, la Tunisie vient de se débarrasser de Ben Ali mais son avenir reste trouble... Que vont faire les anciens caciques, les islamistes, les communistes... Verront nous des élections en Tunisie cette année?

Ben Ali parti, c'est en tout cas l'occasion pour les médias français de se lancer dans des débats sans fin sur ce que doit être l'attitude de la France vis à vis des évènements tunisiens. On invite pour l'occasion des Français qui connaissent très bien la Tunisie et les Tunisiens, puisqu'ils vont tous les ans en vacances à Hammamet. Ne cherchez pas de Tunisiens sur les plateaux télé pour parler de la Tunisie... Les Français se demandent donc ce qu'ils doivent faire, eux qui ont cette histoire si particulière avec la Tunisie, eux qui sont partagés entre le sentiment de culpabilité et la condescendance, eux qui s'imaginent que la France est vitale pour la Tunisie... Ils sont bien les seuls à se poser cette question. Les Tunisiens n'attendent rien de la France, pas plus aujourd'hui qu'il y a un an. Ils savent bien que la France de Jules Ferry n'existe plus (tant mieux) et qu'ils n'ont rien de bon à attendre d'une classe politique qui ne cherche qu'à préserver les intérêts de grandes entreprises françaises qui furent parmi les meilleurs clients de l'ancien régime et qui chérissent bien plus le fric que l'Afrique. Nono

Photo : Martin Bureau/AFP/Getty Images

LA PLAYLIST (confectionnée par Paco)


1- Anouar Brahem Trio «  Astrakan Café (1) » issu de l'album « Astrakan Café » (2000)
Anouar Brahem, joueur de oud, instrument symbole de la musique arabe, est profondément imprégné de son héritage musical arabe, et résolument moderne, ancré dans son époque et tourné vers l'avenir. Un modèle pour le peuple tunisien.

2- Kanye West « Power » issu de l'album « My Beautiful Dark Twisted Fantasy » (2010)
le dernier album de Kanye West a été encensé par les critiques, élu album de l'année 2010 par les magazines The Times et Rolling Stone. Pitchfork lui octroyant même la rare note de 10/10. "Power" qui utilise des samples de King Crimson vient ici illustrer la prise de pouvoir, en 1987, de Ben Ali après avoir écarté Bourguiba.

3-  Israel Vibration « Crisis » issu de l'album « The Same Song » (1978)
Au moment de la prise de pouvoir de Ben Ali, la Tunisie sort alors d'une grave crise économique. Cette crise que le trio vocal jamaïcain (tous meurtris par la polio) chantait magnifiquement en 1978.

4- Sly & The Family Stone « Family Affair » issu de l'album « There's A Riot Goin' On » (1971)
Sly Stone et Ben Ali ont en commun de connaitre une relation très forte avec la famille. Sly chante ici avec sa sœur Rose les bons et les mauvais côtés de la famille. Ben Ali, quant à lui ne l'oublie jamais quand il s'agit de partager sa richesse.

5- Rage Against The Machine « Take The Power Back » issu de l'album « Rage Against The Machine » (1992)
En manifestant dans les rues de Tunis, le peuple tunisien a décidé de prendre son destin en main et de récupérer le pouvoir, comme l'exhorte le groupe américain sur ce titre. Cet album est illustré par la photographie d'un moine vietnamien qui s'immola publiquement à Saïgon en 1963 afin de protester contre l'oppression gouvernementale envers la religion Bouddhiste. ça rappelle un évènement déclencheur de la révolution tunisienne, non?

6- Amel Mathlouthi « Kelmti horra (Live) » (2007)
C'est en 2007 que cette jeune musicienne d'origine tunisienne, exilée à Paris, chante cette chanson, Place de la Bastille : "Nous sommes des hommes libres qui n'ont pas peur, Nous sommes des secrets qui ne meurent pas, Nous sommes la voix de ceux qui ont résisté, Dans le chaos nous sommes le sens, Nous sommes le droit des opprimés."

7- The Bug « Catch A Fire » issu du ep « Infected » (2010)
Kevin Martin aka The Bug propose ici un dubstep hypnotique et addictif avec la chanteuse Kiki Hitomi. Sorti à l'origine pour commémorer le 20ème anniversaire du label Ninja Tune. Avec un tel titre, ils pourront le ressortir pour commémorer l'anniversaire de l'embrasement de la Tunisie.

8- Néry « Feu! » issu de l'album « La vie c'est de la viande qui pense » (2001)
On imagine très bien ce petit dialogue (signé de l'ancien membre des Nonnes Troppo, puis des VRP) entre un voyageur et Ben Ali lors de son embarquement pour l'Arabie Saoudite.

9- Choc Quib Town « Oro » issu de l'album « Oro » (2010)
En Colombie, ce groupe est le fer de lance d'une nouvelle génération, capable de marier la musique populaire afro-colombienne avec les sonorités actuelles. Une fusion qui fait danser le monde entier, peut-être même Mr et Mme Ben Ali autour de leur magot.
10- Bob Marley & The Wailers « Guiltiness » issu de l'album « Exodus » (1977)
L'album Exodus est l'un des plus célèbre de Bob Marley, si ce n'est le plus célèbre. Ce morceau se trouve sur sa face la plus militante et parle de gros poissons : "The big fish who always try to eat down the small fish". De quoi exacerber le sentiment de culpabilité.

11- Del Shannon « Runaway » issu de l'album « Runaway » (1961)
C'est sur ce titre qu'on peut entendre un solo de Max Crook sur l'un des premiers claviers électroniques. Historique! Ce titre, plus connue en France pour la version de Dave sous le titre "Vanina", pourrait très bien accompagner la fuite de Mr Ben Ali.

Crystal Fighters "Star of love"

Voici un album aux influences multiples où tout le monde pourra y trouver des références en fouinant un peu. Alors on peu parler de tribal pop mais il y a aussi du folk, un peu de punk, pas mal d'électro et même du dubstep. Bref tous les ingrédients pour une mixture indigeste mais les Crystal Fighters s'en sortent plutôt bien. Alors un peu à l'image des The Go! Team, ils proposent un fourre-tout musical même s'ils en font un peu moins dans le côté bordélique, mais ils se posent là quand même. Bien que ça tire dans tous les sens, on se retrouve souvent devant des morceaux bien construits. Et si l'on n'est pas allergique à ce genre de fouillis musical, il y a des titres assez irrésistibles, "Xtatic Truth" avec sa petite montée acoustique suivie d'une grosse infra-basse (essayez aussi le remix de Last Japan ), "Swallow" et son mélange pop-dubstep, "Follow" ou encore "I do this every day" et son côté électro punk tribal. Il y aussi quelques pistes bien "gentilles" mais dans l'ensemble l'énergie l'emporte et on se demande même si le groupe n'était pas bien perché en produisant cet album. Crystal Fighters ne terminera certainement pas en tête dans les bilans de fin d'année et risque de lasser assez rapidement. Mais malgré quelques morceaux pas terribles, la musique de ces hippies excités est beaucoup plus riche qu'elle n'en a l'air.

Crystal Fighters - Star of love - Zirkulo - 2010

Fergus & Geronimo « Unlearn »

La musique des Texans Andrew Savage et Jason Kelly est d'une fraicheur juvénile et quoi de plus normal lorsqu'on sait qu'ils ont tiré leur patronyme des chefs de gangs rivaux du film « La guerre des boutons », version américaine : Fergus & Geronimo. Et si l'idée initiale était de mêler l'inventivité des Mothers of Invention de Zappa avec la sensualité et l'énergie de The Four Tops, on peut aussi entendre Jonathan Richman (« Girls With English Accents »), les Beach Boys (« Unlearn »), Ennio Morricone (« Baby Boomer/Could You Deliver »), les Stones (« Baby dont you cry »), ou encore les Clash (« Michael Kelly »). Le tout dans un style rock garage. Eux préfèrent revendiquer l'influence des Sparks, un duo comme eux, toujours à vouloir surprendre. Ceci donne un petit bordel psychédélique qui a le mérite de rester cohérent. Alors certes, ce n'est pas un chef d'œuvre et il existe bien quelques moments faibles mais l'ensemble est rafraichissant et le sax de Monet Robbins (sur le tubesque « Where The Walls Are Made of Grass »), le chant d'Elyse Shrock et la flute de Casey Carpenter, apporte une touche féminine bienvenue.

Fergus & Geronimo - Unlearn - Woodsist - 2011

Charles Bradley « No Time For Dreaming »

Après avoir passé une bonne vingtaine d'années comme chef cuistot en Californie, Charles Bradley a décidé à plus de 50 berges de se consacrer à la musique. Il chante alors régulièrement  dans des clubs de Brooklyn un répertoire constitué de reprises avec une préférence pour celles du roi de la soul, autrement dit Mister James Brown (Celui qu'il a eu le bonheur de voir enfant, alors qu'il accompagnait sa sœur, lors du mythique concert à l'Apollo de 1962). Mais alors qu'il commence enfin à connaître une certaine notoriété, celle dont il rêve depuis ce jour de 1962, Charles tombe au fond du trou, choqué par le meurtre de son frère par son neveu. C'est au moment de ce drame familial que la roue se décide à tourner. Gabriel Roth, de Daptone Records, le découvre un soir et l'emmène illico enregistré avec les Sugarman 3. C'est le début d'une nouvelle aventure pour Charles Bradley. Une aventure qui le conduit à l'enregistrement de ce « No Time For Dreaming ». Un 1er album réalisé à plus de 60 ans en collaboration avec Thomas Brenneck membre, fondateur et producteur des Dap-Kings, du Budos Band et du Menahan Street Band (qui accompagne Charles sur ce disque ainsi que sur scène). Un album qui sonne immédiatement comme un classique (« I Believe In Your Love » est une pure merveille), un peu comme le « My World » de Lee Fields il y a deux ans. Une espèce de perfection soul complètement intemporelle qui aurai tout aussi bien pu sortir en 1967 en même temps que « I Never Loved A Man The Way I Love You » d'Aretha Franklyn et se trouver dans les bacs des disquaires au côté de n'importe quel James Brown. Sur cet album, rempli de grâce et de mots d'amours, le chanteur, qui s'est découvert des talents de songwriters, semble vivre sa musique, toujours à la limite des larmes, au point de lâcher parfois quelques cris aussi funkys que libérateurs.  Et comme on peut le lire dans sa bio : « Charles Bradley a passé sa vie a rêver à une vie meilleure, aujourd'hui ce n'est plus le moment de rêver mais celui de chanter, de danser et d'aimer! »

Charles Bradley - No Time For Dreaming  -Dunham Records - 2011

"Somewhere" Sofia Coppola

S'il y a quelqu'un dont j'ai oublié de parler dans mon dernier papier, qui tentait de faire un tour d'horizon des réalisateurs marquants de la dernière décennie, c'est bien Sofia Coppola. Quoi de mieux alors que t'entamer cette nouvelle décennie avec le dernier film de cette réalisatrice éminemment culte, depuis son tout premier film Virgin Suicide sorti en 2000!
Somewhere (quelque part) se veut l'illustration du vide sidéral dont fait l'objet la vie de Johnny Marco, acteur star du système hollywoodien. Ce dernier vit à l'hôtel du Château Marmont de Los Angeles. Le film suit à la manière d'un documentaire son quotidien à l'hôtel. Il y a une chambre permanente qu'il semble louer à l'année. sa vie oscille entre petite soirée alcoolisée, les filles qu'il baise ou qu'il ne baise pas suivant l'humeur, l'ennuie, le repos au bord de la piscine, et quelques sorties en ville au volant de sa belle Ferrari. Un jour il reçoit la visite de sa fille déjà pré-ado, avec qui il va devoir vivre quelques temps.
Avec ce film je suis assez partagé. Sur le moment je dois dire que je me suis un peu ennuyé, même si j'aime beaucoup le style de Sofia Coppola et de ce film en particulier, en sortant de la salle j'étais déçu. Tout ceci m'a semblé un peu vain sur le moment. A y réfléchir, il s'avère que ce soit le sujet du film. La vie un peu vaine de cet acteur n'a rien de palpitant. Elle est l'illustration même de ce qu'est la vacuité. c'est le thème principal de ce film qui parle aussi des apparences, de ce que l'on est. Même si c'est une star internationale, Johnny marco n'en reste pas moins un pauvre pantin dépourvu d'âme, vide, seul… Sofia Coppola n'a pas son pareil pour créer des ambiances qui restent présentes longtemps en nous. et c'est pour moi ce qu'il se passe avec ce film. je l'ai vu il y a déjà quinze jours et beaucoup de choses me reviennent en mémoire comme de très bon moments (la scène du patin à glace, la scène du maquillage, …). Le son, très présent, du moteur de la Ferrerai restera longtemps présent en moi. Comme l'élément principal de la BO du film signé par le groupe français Phoenix.

"La belle endormie", Gérard de Cortanze

Le bandeau rouge qui barre le livre est attirant ; ce court roman de Gérard de Cortanze est estampillé d’un voyant « érotique » qui tranche avec le violet de la couverture. Heureusement le nom de l’auteur offre une certaine caution littéraire qui permet de ne pas rougir jusqu’aux oreilles au moment de passer à la caisse.
L’auteur-narrateur poursuit une quête sur ses origines familiales entamée dans d’autres romans, que vous pouvez lire sans rougir (notamment Assam, prix Renaudot 2002 où on retrouve certains personnages de La Belle endormie). Ici l’histoire débute dans une bibliothèque italienne où le narrateur fait des recherches dans les archives. Il déniche des documents inédits : des lettres érotiques signées par une de ses lointaines parentes, Maria Galante. Émoustillé par les lettres et la pulpeuse bibliothécaire le héros poursuit son aventure italienne dans le château familial, transformé en hôtel de luxe mais qui garde son mystère. Le personnage occupe la chambre de son aïeule et bientôt ses nuits deviennent torrides grâce aux visites d’un fantôme très charnel. Les contours de la réalité deviennent de plus en plus flous, on ne sait plus bien quel rôle jouent le propriétaire de l’hôtel ou la gouvernante ; jusqu’à la pirouette finale qui suggère une deuxième lecture du roman.
Le cadre fait évidemment penser aux romans du Marquis de Sade. L’ingénieux entrelacement entre 18ème et 20ème siècle permet d’utiliser un langage cru mais totalement suranné dans les lettres ainsi que lors des rencontres entre les amants. Cela donne lieu à de jolies scènes plutôt classe. De plus Gérard de Cortanze ajoute à son récit un grain de folie qui peut devenir aussi inquiétant que fantaisiste. On passe ainsi avec plaisir d’une scène à l’autre.

La belle endormie, Gérard de Cortanze, Monaco : Éditions du Rocher, 2009