Sound Of Rum "Balance"

Le rap sans DJ du trio londonien Sound Of Rum, fondé en 2008 par la rappeuse Kate Tempest, repose sur les compositions légères de deux musiciens, le guitariste Archie Marsh et le batteur Ferry Lawrenson, et le flow tantôt fracassant, tantôt délicat de Kate. Les voilà en 2011 avec leur 1er album "Balance" entre jazz, hip-hop & breakbeat. Et si la formule peut paraitre basique, elle n'en reste pas moins efficace, la voix de sa jeune meneuse aux charmantes boucles blondes rappelant la fraicheur de son alter-ego Speech Debelle. Soutenu par Sunday Best, l'écurie de Dan le Sac vs Scroobius ou encore Ebony Bones, Sound Of Rum compte parmi ses fans Roots Manuva. Parions que ces soutiens leur porteront chance.

Sound Of Rum - Balance - Sunday Best - 2011 

Rubin Steiner & Ira Lee "We are the future"

Rubin Steiner est un personnage à part dans le paysage musical français, il ne s'arrête devant aucune barrière et c'est avec une facilité déconcertante qu'il construit l'un après l'autre des albums variés et de qualité. Sur "We are the future" il est accompagné par le rappeur canadien Ira Lee qui dispose d'une palette vocale assez conséquente. L'ambiance de l'album tend vers le hip hop mais ça ne s'arrête pas là. Le plein d'idées de Rubin Steiner nous offre des morceaux brassant hip hop, blues, soul, jazz, funk et tutti quanti... Le Tourangeau dispose aussi d'une culture musicale importante qui lui permet de trouver des samples nickels. Tout comme la collaboration avec la partie vocale de Ira Lee qui fonctionne à merveille. D'entrée, "Style" annonce la couleur avec un hip hop aux breaks et changements de rythmes bien sentis, l'électro est aussi de la partie. Débarque ensuite "Wack freestyle" et son côté old school, "Come back to me" est destiné à chauffer les bons dancefloors, funky et efficace, ça sent le tube. Le génial "The luckiest man" et son ambiance bluesy-hop. Il y a aussi l'électro - hip hop de "Gay & proud" avec ses jolies petites touches de claviers et ses lyrics fédératrices. Avec "Get your hands off my records" on retrouve assez clairement l'ambiance des premiers opus de Rubin Steiner. Bref, voici une affaire rondement menée et un très bon disque pour attendre l'été. Un véritable stimulant énergétique à écouter en boucle.

Rubin Steiner & Ira Lee - We are the future - platinum records - 2011


Tune-Yards "Whokill"

Deux ans après "Bird Brains", joyau pop lo-fi, Tune-Yards alias Merrill Garbus remet le couvert avec "Whokill", album plus conséquent où l'hystérie des débuts a laissé place à une exubérance plus maitrisée. A nouveau construit comme un patchwork sonore, on y retrouve l'univers décalé de la miss, délicieusement doux-dingue. Ce grand bazar bricolo, paré d'une riche production, nous promène ou nous malmène mais toujours avec bonheur au gré de break-beats inattendus, de polyphonies subtiles et de sa voix étrangement androgyne. Ses compositions d'inspiration afro-pop emballent par leurs gimmicks "do it yourself", alors qu'on se le dise voilà un album et une artiste qu'on n'arrivera pas a faire rentrer dans une case, sinon celle qu'elle s'est cousue pour notre plus grand plaisir.

Tune-Yards - Whokill - 4AD - 2011


Football en Tchétchénie

Le football professionnel est depuis longtemps une affaire de gros sous. Mais le football a aussi un rôle géopolitique indéniable. L'attribution des prochaines coupes du monde en 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar n'est pas seulement due à la richesse de réserves naturelles de gaz ou de pétrole, mais aussi un intérêt de ces États pour améliorer leur image au niveau international. Actuellement, c'est la Tchétchénie qui défraie la chronique : cette petite république de la Fédération de Russie était surtout connue pour ses 2 guerres d'indépendance dans les années 90, qui ont ravagé le pays. Aujourd'hui, le pays s'est en partie "apaisé", depuis que Vladimir Poutine y installa à la présidence Ramzan Kadyrov, ancien chef des services de sécurité et fils de l'ex-président assassiné. Tel un un parrain, il fait régner la terreur dans son pays. Mais, pour améliorer l'image de son pays, et également pour son plaisir personnel, Kadyrov y a fait venir la star hollandaise Ruud Gullit (ballon d'or 1987) pour coacher l'équipe de la capitale Grozny. De même, il a organisé un match opposant les anciennes stars brésiliennes (Bebeto, Romario, Cafu...) à une équipe tchétchène dont il était le capitaine. Dans sa folie des grandeurs, Kadyrov annonçait même la présence de Zidane pour l'inauguration d'un nouveau stade, ce que celui-ci a rapidement démenti. Ainsi, le football peut donc améliorer l'image d'un pays, mais dans certains cas n'en être qu'un alibi pour conforter le pouvoir en place, au détriment de la population locale... kenavo.

Orchestre Poly-Rythmo « Cotonou Club »

Ils sont encensés à travers le monde : « L'un des meilleurs groupes de funk du monde ! »(New York Times - USA), « Tout simplement immortelle »(Publico - Portugal), « Une écoute essentielle »(Gilles Petterson - UK), « Après des décennies de silence radio, personne ne les imaginait dans une telle forme! »(Le Monde Magazine - France). Et c'est effectivement un album explosif que nous livre le Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo, qui avec plus de 40 ans d'existence est l'un des plus vieux groupe africain. Et même si nous avons pu les découvrir récemment avec des compilations « The Vodoun Effect 1973-1975 » et « Echos Hypnotiques » sur le label allemand Analog Africa ou sur Soundway Records avec « The Kings of Benin Urban Groove 1972-80 » , cela faisait 20 ans qu'ils n'avaient pas enregistré d'album. Ce « Cotonou Club » existe principalement grâce à Élodie Maillot, journaliste à RFI et auteur d'un article sur l'Orchestre dans Vibrations en 2007 alors que le groupe n'avait jamais quitté l'Afrique. Après lui avoir permis de tourner à travers le monde en 2009, c'est encore elle qui est à la production de cet album "embouteillé à Paris". Du coup la musique de l'Orchestre s'écoute avec une qualité de son nouvelle, et on redécouvre certains classiques comme "Gbeti Madjro" avec Angelique Kidjo. Mais derrière cette production toute « propre » parfois même peut-être un peu trop, la belle surprise de cet album est l'énergie qu'il dégage. C'est une véritable bombe de musique funky (ah ce clavier!) parfois psychédélique (écoutez cette merveille de « Von Vo Nono »), avec des inspirations africaines voir afrobeat, parfois même capverdiennes (« Tegbe » et son air mélancolique cher à Cesaria Evora) ou sud-américaines (sur « Koumi Dede » notamment). L'album se termine avec « Lion Is Burning » où les Franz Ferdinand Paul Thomson & Nick Mccarthy marient leur style à la puissance des cuivres et des chants du Cotonou. Étonnant mais efficace ! N'hésitez plus une seconde et laissez vous gagnez par la transe béninoise!

Orchestre Poly-Rythmo - Cotonou Club - 2011 - Strut Records



Bill Callahan « Apocalypse »

Il nous avait laissé voilà déjà deux ans avec le magnifique « Sometimes I Wish We Were An Eagle », c'est donc avec un plaisir non-dissimulé qu'on retrouve la voix grave si caractéristique de l'ex-Smog. Et malgré son titre « Apocalypse », ce nouvel album de Bill Callahan  n'est finalement pas si sombre. Tout en contraste, Il navigue sans cesse de l'ombre à la lumière et cela dès le titre d'ouverture « Drover » qui donne parfaitement la tonalité de l'ensemble. La guitare acoustique rythme le morceau lui donnant un côté rustique et chaleureux, alors que des accords de guitare électrique sont plaqués régulièrement, lui donnant un caractère plus rugueux, plus tendus. Et ce sera le cas sur l'ensemble de l'album avec parfois l'apparition d'une flûte (sur « Drover » justement, sur « Universal Applicant » aux airs de Love d'Arthur Lee, ou le très printanier « Free's »), de violons ( encore sur « Drover »), ou de notes de piano (« Universal Applicant » et « One Fine Morning »). Mais comme toujours avec Bill Callahan, c'est la voix qui nous porte et nous transporte, comme sur « Baby's Breath », la merveille de l'album. Une voix habitée, posée, qui est le vecteur principal des émotions. Au final, l'Américain nous offre encore un album haut de gamme qui le classe aux côtés des plus grands songwriters américains, ses contemporains comme Bonnie Prince Billy ou ses maîtres, comme Leonard Cohen ou Johnny Cash.

 Bill Callahan - Apocalypse - 2011 - Drag City

Raphael Gualazzi "Reality and Fantasy"

Natif d'Urbino, en Italie, Raphael Gualazzi suit des études classiques au Conservatoire, loin d'étancher toutefois sa curiosité. Le jeune touche-à-tout goûte alors à tous les répertoires : blues, jazz, soul, ou pop-rock. Dès lors le jeune homme pousse encore plus loin le crossover d'un Jamie Cullum, rassemblant au sein de ses chansons pop, imparablement bien ficelées, ses multiples influences, Fleetwood Mac, Ray Charles ou encore Jamiroquai. Ses participations à quelques festivals jazz dévoilent un crooner capable d'emballer les foules en un refrain. Dans la foulée de ce succès inattendu, le phénomène italien se voit même remixé par le dJ Gilles Peterson, s'ensuit "Reality & Fantasy" unanimement plébiscité. Celles & ceux qui depuis si longtemps rêvent de voir le titre de l' Eurovision revenir dans l' hexagone devront ronger leur frein, notre Transalpin représentera l'Italie au prochain concours ô combien prestigieux. Damned!

Raphael Gualazzi - Reality & Fantasy - 2011 - Sugar


Delicate Steve "Wondervisions"

"wondervisions" a parait-il été fabriqué en un mois dans une chambre du New Jersey transformé pour le coup en vrai home studio. Steve Marion aurait joué lui même d'une quarantaine d'instruments dont certains à peine maitrisés. Si le buzz est beau et mérite qu'on y croit c'est parce que ce jeune architecte a réussi à se créer un véritable petit univers foisonnant de fraicheur et séduisant à plus d'un titre. Le disque n'a d'ailleurs pas laissé indifférent David Byrne qui l'a donc réédité sur son label Luaka bop. Si certains albums de bricolages sonores comme celui-ci sont sans saveurs ou deviennent très vite irritants, ici ça fourmille de véritables bonnes idées et le fait que par moments on a le sentiment que la production n'est pas totalement maitrisée donne encore plus de charme à l'album. Le sens de la mélodie de Delicate Steve se révèle assez impressionnant et des titres comme "Butterfly", "Flyin' high" ou "Sugar slash" (avec ses petits riffs superbes vers 2'45) sont totalement irrésistibles. Les titres alternent entre ambiances électriques et plus acoustiques, montées électroniques ou synthés lorgnant légèrement du côté psyché. Il y a de belles nappes qui accompagnent des guitares saturées. L'ensemble a aussi un côté enfantin qui parait assumé. Subtil et attachant "Wondervisions" est un vrai petit régal pour nos portugaises.

delicate steve - wondervisions - luaka bop - 2011


Thiossane Ablaye Ndiaye « Thiossane »

« Il y a des artistes qui ont des milliards et il y en a d’autres qui n’en ont pas mais qui vivent néanmoins décemment. Moi je fais partie de ceux-là. Toujours est-il que je préfère de loin l’inspiration aux milliards. Il est certes bon d’être riche, mais il est difficile d’allier les deux, l’inspiration pure et la richesse. En fait, je ne me plains pas. » Thiossane Ablaye Ndiaye parle comme un vieux sage, alors que va sortir son 1er album, à l'âge de 75 ans. Pourtant, dès 1966, il s'est fait connaître en composant l'hymne du 1er Festival des Arts Nègres, organisé par Leopold Sedar Senghor à Dakar, « Talene Lampe Yi » qu'on retrouve d'ailleurs sur cet album. Mais par la suite il s'est surtout consacré à sa carrière de peintre-plasticien qui l'a mené à travers le monde pour différentes expositions. Aujourd'hui, accompagné de grands musiciens africains dont certains anciens de l'Orchestra Baobab, plusieurs générations de chanteurs dont Khar Mbaye Madiaga, la doyenne des cantatrices sénégalaises, il nous fait un véritable cadeau avec cet album qui regorge de merveilles : « Aminata Ndiaye » est une magnifique chanson d'amour, « Lat Dior » un vibrant hommage au plus grand roi du Cayor, et « Siket » une chanson traditionnelle inspirée des contes africains véhiculaires de messages éducatifs par la bouche d'un animal (ici le bouc!). Un 1er album pour le moins tardif mais vraiment le bienvenu, qui devrait enfin mettre en lumière la musique de cet artiste sénégalais.

Thiossane Ablaye Ndiaye - Thiossane - Discograph - 2011

Hayvanlar Alemi "Guarana Superpower"

Depuis une dizaine d'années Hayvanlar Alemi, groupe fondé à Ankara par Ozum Itez (guitare électrique) et Isik Sahiran (batterie), pratique un mélange de surf rock psyché, d'improvisation noise et de blues du désert a la sauce ottomane. Cette liberté n'a pas échappé au label Sublime Frequencies (Groupe Doueh, Omar Souleyman, Group Inerane) qui nous permet avec "Guarana Superpower" de savourer ces instrumentaux frénétiques et enfumés où la silhouette de Franck Zappa n'est jamais loin. Trop longtemps ignoré par l'industrie du disque leur dernier opus devrait changer la donne. Hayvanlar Alemi nous promet un bien joli printemps, alors ouvrez grand vos fenêtres et profitez de la fraicheur de ces airs anatoliens.

Hayvanlar Alemi - Guarana Superpower - Sublime Frequencies - 2010


Nostalgia 77 « The Sleepwalking Society »

4 ans se sont déjà écoulés depuis « Everything under the sun », alors autant vous dire que le 4ème album de Nostalgia 77 commençait à se faire sérieusement attendre. Pourtant Ben Lamdin n'a pas chômé pour autant, mettant son talent de producteur au service de différents artistes comme Alice Russell ou encore Skeletons. Mais l'attente n'aura pas été vaine puisque ce nouvel album du musicien/producteur est un véritable travail d'orfèvre où la voix de la chanteuse allemande Josa Peit nous sert de guide. Et quelle guide ! Quelle voix ! A la fois sensuelle et pleine de caractère, pas grand chose à envier aux grandes dames du jazz vocal américain. La musique est fortement teintée de jazz, et menée par une rythmique parfaite, laissant percée des moments de folk (« Mockingbird », « Cherries » et ses arpèges de guitare), un peu de free (« When Love is Strange »), ou encore de reggae (« Simmerdown », véritable tube lancinant qui rappelle un peu le « Summer Days (feat. Bajka) » de Radio Citizen). Alors maintenant, fermez les yeux et laissez-vous emporter dans une rêverie aux contours bleutés des plus agréables.

 Nostalgia 77 - The Sleepwalking Society - Tru Thoughts - 2011

Calvin Russell (1948-2011)

« Crossroad »
One road lead to paradise...

Message sur son Myspace :
"Hello from Austin Texas
The family of Mr Russell Calvin inform you with sorrow his death on Sunday morning April 3, 2011 on his property in Texas.
The last tribute will be given in strict family intimacy.
A beautiful soul has left us."
 

"Fighter" David O.Russell

Tiré d'une histoire vraie, Fighter relate le parcours d'un boxeur : Micky Ward. On suit son histoire depuis les rues d'un quartier pauvre d'une petite ville américaine jusqu'au titre. Sur le papier, le film n'est pas sans rappeler Rocky par exemple. Plus qu'un film sur la réussite personnelle, Fighter parle de l'existence, "être ou ne pas être...". Micky dont la carrière est maladroitement gérée par sa mère, vit constamment sous l'influence de sa famille. Il n'existe que dans l'ombre de son frère, Dicky Eklund qui a eut son heure de gloire sur le ring voilà dix ans. Un thème qui rappelle un autre film de "combattant": Rumble fish en VO et Rusty James en français.
Dicky cherche un second souffle pour relancer sa carrière, et se voit contraint de laisser de côté sa famille et surtout son frère accroc au crack. Sa rencontre avec Charlène sera le déclencheur de sa nouvelle vie. Dicky finira par exister. Parallèlement à sa renaissance, son frère reprend le contrôle de sa vie et c'est ensemble qu'ils parviendront à gagner le titre. Dis comme ça, tout ceci ressemble à un film américain, cousu de fils blancs, où le héros gagne à la fin. Effectivement il y a cette dimension dans Fighter et il est toujours intéressant de constater que regarder des "looser" finalement réussir, ça marche! En tout cas sur moi cela fonctionne sans problème.
Le plus de Fighter est bien évidemment sa dimension sociale, on a un portrait sans jugement, juste et poignant, de la société white trash américaine, sa réalisation toujours inspirée et l'interprétation des acteurs, plus vraie que nature avec cette performance de Christian Bale qui incarne avec conviction Dicky, mais aussi celle de Mélissa Léo (Frozen River), qui joue la mère des deux boxeurs. Mark Walberg semble plus en retrait mais il interprète ici justement le gars qui toute sa vie a été en retrait. Le scénario est très bien écrit et permet d'enchainer un nombres de scènes mémorables qui nous aspirent constamment dans l'émotion. Pour moi Fighter est sans conteste LE film "fort" de ce début d'année. Qu'en pensez-vous?