Droogz Brigade « Projet Ludovico »

« Projet Ludovico » est le premier album de la Droogz Brigade, après un premier ep signé en 2008, autant dire une éternité. Ce groupe est un projet de potes originaires de Toulouse, avec Sad Vicious, Staff l’Instable, Rhama le Singe et Al’Tarba. Et « Projet Ludovico » est directement inspiré d' « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick puisque « Ludovico » vient en fait du nom du lavage de cerveau subit par Alex, le personnage principal du film.
Ici, les instrus d'Al’Tarba sont de véritables pépites. Pas étonnant que certains voient en lui LE beatmakers français, voir même dans le monde, le plus talentueux du moment. On avait d'ailleurs pu s'en rendre compte l'an dernier sur le très bon « Salem City Rockers » de La Gale. Les prods sont riches et variées, toujours bien construites, et les samples très cinématographiques. Et pour ne rien gâcher les mélodies sont souvent au rendez-vous. Al'Tarba sait varier les plaisirs, des chœurs lyriques par ici, des cuivres jazzy par là, et des samples qui font le grand écart, de la musique enfantine au film gore, en passant par un surprenant « Bravo » de Jacqueline Taieb, ex-yéyé girl. Et les potes d'Al Tarba ne sont pas en reste avec des flows aussi crasseux que poétiques. Chaque titre est comme une scène de cinéma. On y découvre des personnages étranges, de la violence, du cul, de la drogue, et de l'émotion aussi. Les textes sont plutôt sombres mais jamais dénué d'humour. Tout ceci fait de cet album de rap français, particulièrement abouti, aussi bien au niveau de la production que des textes, un album fascinant.

Droogz Brigade - Projet Ludovico - CMF Records - 2016


Birth of Joy « Get well »

J'ai véritablement découvert le groupe Birth Of Joy en live au Festival Chausse Tes Tongs 2015. Autant vous dire que ce fut une véritable claque en même temps qu'une déflagration sonore. Le trio guitare/clavier/batterie habite la scène comme personne avec une énergie communicative. La même qu'on retrouve sur cet album avec aussi un sens du groove, et un sens des breaks incomparables ! L’orgue hamond, un pur bonheur, amène souvent à les comparer aux Doors, et il y a bien quelques influences, mais il y a aussi du Black Keys, du ACDC, du Stooges, de véritables incendies rock'n'roll à la Led Zep, mais aussi du Pink Floyd par petites touches planantes. Les influences sont donc très seventies, mais la force du groupe réside aussi dans le fait d'avoir un son et quel son mes amis ! Ce groupe a 10 ans et « Get well », leur 4ème album est particulièrement bien construit, il semble même pensé comme un set live. Du rock'n'roll qu'on prend donc en pleine face, grâce au savoir-faire du groupe, capable aussi de mettre en place des temps de répits blues voir carrément soul. Ces Hollandais sont bien le présent du rock'n'roll. 

Birth of Joy - Get well - Long Branch Records - 2016

Stranded Horse « Luxe »

Derrière Stranded Horse se cache en réalité Yann Tambour, un musicien d'origine normande. Il a débuté sa carrière en 2001 avec un projet baptisé Encre qui alliait les samples aux instruments à cordes et au piano. Avec Stranded Horse, c'est la kora qui est au cœur du projet avec une approche très personnelle. « Luxe » est son troisième album sous ce pseudonyme avec toujours beaucoup de délicatesse. Ici les invités foisonnent : le trio Vacarme et ses cordes ensorcelantes, un jeune prodige sénégalais de la kora, Boubacar Cissokho, la chanteuse du groupe Arlt, Eloïse Decazes ou encore Amaury Ranger de Frànçois and the Atlas Mountains. On navigue entre  airs mandingues et chanson en passant par la pop. D'ailleurs un morceau comme « Ode to Scabbies » me fait furieusement penser à une composition de Love, ce groupe américain des années 60/70 emmené par le chanteur métisse Arthur Lee. « Luxe » est un album hors des modes, complètement intemporel. C'est un album qui marie les style avec naturel, un album du monde pour tout le monde. Un véritable puits de lumière dans un monde plutôt sombre.

Stranded Horse - Luxe - Talitres - 2016

Christine Salem « Larg Pa Lo Cor »

Sur la cover de cet album, on découvre la Réunionnaise Christine Salem arborant une coupe afro, façon Angela Davis, l'un des plus grand symbole de la lutte afro-américaine des années 60/70. Et comme Christine Salem est née un 20 décembre, le jour anniversaire de l’abolition de l’esclavage à la Réunion en 1848, on peut dire qu'elle la porte plutôt pas mal cette coupe afro. C'est enfant que Christine Salem a découvert le maloya, musique traditionnelle de l'île de La Réunion, musique longtemps interdite par les autorités françaises. Elle se place aujourd'hui comme l'une des figures emblématiques de cette musique au côté d'une légende comme Danyel Waro. Et avec sa voix grave, habitée, superbe, c'est l'une des rares femmes chanteuse de maloya. Avec son sixième album, Christine Salem avoue « aller au bout de ses envies ». Et autant vous dire que ses envies nous plaisent car on tient là un album d'une beauté rare, un album qui respire la liberté. Un album réalisé par Seb Martel, touche à tout de génie, qui a le dont de magnifier ses productions. Et c'est encore le cas avec ce maloya aux accents folk et blues.

Christine Salem - Larg Pa Lo Cor - Zamora - 2016


Sufjan Stevens "Carrie & Lowell"

Je dois bien avouer que je me suis parfois perdu dans certains projets grandiloquents de l’Américain Sufjan Stevens. Ici, on en est bien loin puisqu’il revient à beaucoup plus de simplicités avec onze titres d'une beauté naturelle, pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Dès le premier morceau, le ton est donné : des arpèges de guitare, pas de section rythmique (ni basse, ni batterie) et un chant plein de mélancolie. Sur la pochette de cet album, on découvre une photo ancienne, une photo tirée des archives familiales de Sufjan, avec le portrait d'un couple, Carrie et Lowell, autrement dit sa mère, récemment disparue, et son beau-père avec qui le chanteur avait monté son label musical Asthmatic Kitty. Et c'est un peu l'Histoire de cette famille que raconte ici Sufjan Stevens. il parle surtout de l’absence de sa mère, dépressive et maladive. Cet album est une petite merveille de délicatesse : un chant d'une troublante beauté, des arrangements très discrets, on est à la limite du « religieux ». Mais derrière cette délicatesse, sublime, se cache l'Histoire pas très gaie d'une famille recomposée : un album très personnel.

Sufjan Stevens - Carrie & Lowell - Asthmatic Kitty Records -2015


Zone Libre "PolyUrbaine"

Zone Libre c'est le groupe à géométrie variable de Serge Teyssot-Gay, l'ex-Noir Désir, toujours la guitare acérée en bandoulière. Après deux albums bien sombre mais toujours à propos, avec la singulière Casey, Zone Libre diversifie sa musique, en nous offrant une fusion comme on n'en avait peut-être plus entendu depuis les années 90, avec des groupes comme Rage Against The Machine, Urban Dance Squad, ou encore No One Is Innocent. Et « Nobody said » en est le parfait exemple, puissant, addictif. Serge Teyssot-Gay prouve donc encore une fois qu'il a le don de savoir bien s'entourer. Cette fois-ci, on trouve à ses côtés Marc Nammour, qui fait une infidélité à La Canaille, et Mike Ladd, et son flow New-Yorkais. "J'ai pensé à Marc (Nammour) par rapport à Mike (Ladd), et inversement, parce que je trouvais intéressant de les réunir sans qu'ils se connaissent. Marc, c'est quelqu'un qui travaille beaucoup ses textes, qui est précis. Il me donne l'impression de planter ses mots sur la musique. Mike, au contraire, vient de la musique orale, du free-style, c'est un improvisateur comme il y en a peu à ce niveau-là, capable de créer en temps réel avec les mots", précise le guitariste (source : RFI Musique). Marc Namour atteint des sommets de narrations en peignant des histoires d'hommes devenus des ombres façon silhouette à la Giacometti. On aime ces solis de guitare plein de folies, ces histoires sombres mais réalistes, cette musique hors-mode qui respire la liberté, ce groove incendiaire, le flow rythmé de l'Américain, les mots pleins de sens du Français et cette énergie qui nous donne envie de relever la tête !

Zone Libre - PolyUrbaine - 2015 - Intervalle Triton

Bachar Mar Khalifé « Ya Balad »

J'ai découvert Bachar Mar Khalifé avec son précédent album : un savant mélange de jazz, de musique arabe traditionnelle, d'électro, et de musique contemporaine. Un album qui mariait à merveille exigence et simplicité. Avec « Ya Balad », son troisième album,  Bachar Mar Khalifé est dans la même lignée et on tient là, sans aucun doute, l’une des sorties majeure de cette année 2015. Bachar Mar Khalifé est le fils de Marcel, compositeur-interprète libanais reconnu à travers le monde, dont il reprend d'ailleurs « Madonna », l'une de ses compositions. Avec son frère Rami, musicien au sein du trio Aufgang, il a baigné depuis tout petit dans la musique. Et avec cet album "Ya Balad" il rend un hommage, émouvant, au Liban, la terre de ses aïeux, qu'il a du quitter petit pour fuir la guère. « J’ai tout d’un croyant mais je n’aime pas Dieu » nous dit Bachar Mar-Khalifé, qui se présente en se couvrant les yeux de la main, sur la cover de cet album. Et sa musique est belle comme une prière. Avec  la douceur des notes de piano et la mélodieuse langue arabe, on voyage entre la terre et le ciel, comme en suspension. Sa musique est d'une beauté troublante, entre souffrance et bonheur.

Bachar Mar Khalifé - Ya Balad - Infiné - 2015


Sages comme des sauvages "Largue La Peau"

Ava Carrère et Ismaël Colombani forme le duo Sages comme des sauvages, entre folk et musique du monde qui offre à voyager. Un disque qui dépasse les frontières et les styles qui emmène sur des chemins de traverse aux paysages inattendus.
Née de la rencontre improbable d'instruments glanés ça et là (cavaquinho brésilien, bouzouki et percussion grecque, guitare et violon) et de chants en français, anglais et créole, ce disque nous invite dans des mélodies pleines de fragilité et aux charmes fous.
Pour réaliser ce disque, ils se sont entourés de Christophe Hauser (Camille, Titi Robin…) au son, Mathias Imbert à la contrebasse, Scott Taylor (Têtes Raides) à l’accordéon et tuba et d’Émilie Alenda au basson. Un disque plein d’amour, de mélancolie et de tristesse qui brille par ses compositions. Une musique multiculturelle simple et riche qui se glisse dans les entrailles. Des textes poétiques à fleur de peau qui nous percutent. Au final, seul un titre dénote (« Asile Belleville ») mais l’ensemble reste d’une grande beauté à écouter de bout en bout. Un disque qui donne autant envie de chialer que de danser...

 Sages comme des sauvages - Largue La Peau - A Brûle-Pourpoint - Septembre 2015 

 

Ibrahim Maalouf « Kalthoum »

Ibrahim Maalouf est un trompettiste franco-libanais qui s'est fait connaître grâce à de multiples collaborations : de Sting à Mathieu Chedid, en passant par Amadou & Mariam, Vanessa Paradis ou encore Thomas Fersen. C'est un personnage atypique dans le monde du jazz français, capable de marier avec délice la pop, l'électro, le hip-hop, la chanson française et ses propres racines libanaises, au jazz plus traditionnel. Ibrahim Maalouf vient de sortir simultanément deux albums en hommage aux femmes : « Red Black & Light », un album contemporain, moderne, pop aussi avec notamment une reprise d’un titre de Beyoncé. Et « Kalthoum », un hommage à la célèbre diva égyptienne Oum Kalthoum, véritable monument de l’histoire du peuple arabe. Il reprend ici l'un de ses plus grands succès « Alf Leila Wa Leila » ( « Les Mille et une Nuits ») , une chanson de 1969 qui se présente sous la forme d'une suite d'environ une heure. Et cette suite est surtout une succession de tableaux laissant la place à l'improvisation. Cet album a été enregistré et mixé à New York avec la même équipe que l’album « Wind », album hommage à Miles Davis. C'est un peu comme une continuité de cette aventure discographique avec Mark Turner au piano, Larry Grenadier à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie. C'est avec cette formation recentrée sur le jazz classique et 100% instrumental qu'Ibrahim Maalouf a choisi de célébrer les 40 ans de la disparition de la diva.

Ibrahim Maalouf - Kalthoum - Mister Productions - 2016


Dur de rester silencieux

Dur de rester silencieux après une telle tragédie... Les Bérurier Noirs nous offre un nouveau morceau composé après l'attentat contre Charlie Hebdo, en janvier 2015. Libéré publiquement le 14 novembre 2015, en hommage aux victimes de vendredi... Bonne écoute!